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6 janvier 2019 7 06 /01 /janvier /2019 09:48

Ce n'est pas un genre en soi, mais il y a beaucoup de films qui traitent du cancer; sous beaucoup de formes, et obéissant aux lois de beaucoup de genres... Souvent des drames, bien sûr, mais on voit aussi Le bruit de glaçons, de Bertrand Blier, où le réalisateur décide de faire rire, en provoquant un maximum: on ne se refait pas. Souvent, le cancer est évoqué via un truc de scénario, un raccourci bien pratique, tout comme on dit des gens qu'ils sont décédés "au terme d'une longue maladie", dans un film, il suffit d'un rien, comme par exemple le coup de téléphone du médecin à la fin de A serious man, des frères Coen, lorsque le héros entend son praticien lui dire "Il faut qu'on se voie pour parler", d'une voix aussi neutre que possible, on a tout compris...

Haut les coeurs est un film singulier: il prend le parti de raconter le cancer, et un cas peu banal: Emma Stern (Karin Viard) apprend qu'elle a un cancer du sein dans le cadre d'une visite de routine, car elle est enceinte. Et son chirurgien prend les devants, et tout de go, lui annonce que la seule décision à prendre est d'avorter pour commencer, puis d'affronter sereinement la maladie qui est à un stade avancé, mais tout à fait gérable. Sauf qu'Emma ne veut pas: cet enfant qu'elle faisait un peu dans le dos de son compagnon Simon (Laurent Lucas), qui lui n'en voulait pas, elle le veut. Cancer ou pas... A travers un parcours chronologique, et largement (mais pas que) consacré au point de vue de la jeune femme, Solveig Anspach raconte les aventures d'une femme atteinte du cancer, avec le cortège de bonnes et de mauvaises nouvelles, le combat paradoxal pour amener la vie tout en ferraillant avec la mort...

C'est d'ailleurs du vécu, même si Solveig Anspach n'est bien sûr pas contrebassiste contrairement à Emma, et si elle n'a pas attendu d'enfant durant son cancer, elle a affronté sa maladie en écrivant justement un film: celui-ci. Un paradoxe remarquable, et même si cette fois, la réalisatrice a triomphé de la maladie, elle a choisi de ne pas offrir de porte de sortie trop confortable de son premier long métrage: quand on le quitte, on est dans l'incertitude. Emma doit se battre plus, elle doit quitter sa famille pour quelques semaines qui vont être très agressives, et c'est l'hiver. Les feuilles sont tombées, les cheveux aussi... C'est la fin du film.

Karin Viard a bien mérité son César, du reste Karin Viard a du génie. On croit totalement à cette femme qui affronte avec angoisse, mais une immense volonté son ennemi intime, et qui par exemple prend les devants: à la première alerte elle décide de se raser la tête, plutôt que de tergiverser autour de la chute de ses cheveux... Ici elle s'est pliée à une drôle de discipline: écrit dans l'urgence, le film a été réalisé parfois dans les conditions du documentaire et Anspach a imposé à ses comédiens, non seulement la présence de non-comédiens dans beaucoup de personnages, et de situations, mais elle a surtout privilégié le dialogue vivant sur le dialogue léché et peaufiné: d'où le sentiment courant dans le film d'assister à des scènes qui sont un premier jet. Ca sert totalement le film et son impression de vérité... La situation des deux héros est souvent l'objet d'un humour du quotidien, parfois contredit épisodiquement par un conflit: c'est que Karin Viard doit non seulement interpréter une femme malade, elle est aussi enceinte... 

Belle entrée en matière dans l'univers parfois grave, parfois burlesque, toujours touchant de Solveig Anspach, Haut les coeurs va marquer durement sa filmographie, et reste un beau film à regarder dans la douleur parfois... La cinéaste s'y raconte et quand Emma, qui entend un con lui dire (il a vu qu'elle est enceinte) "nous, quand Machine a été enceinte, on s'est tenus à l'écart de la médecine, d'ailleurs elle n'a pas eu d'épi-durale et elle a bien senti passer toute la douleur, c'est super important la nature" (bien sûr c'est l'homme qui parle), la jeune femme lui répond "Eh bien moi, je remercie la médecine et j'emmerde la nature". Un moment comique, mais aussi une phrase que la cinéaste assumait à 100%.

 

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach