Forcément, ça interpelle: quand Brad Bird, metteur en scène de trois films majeurs de l'animation Américaine contemporaine, se trouve aux commandes d'un film de la franchise sous-James Bond qui sert de prétexte au Scientologue Suprême pour se rappeler occasionnellement au bon vouloir du public, on tend une oreille, et on soulève une paupière... Et quand en plus le bouche à oreille est excellent, on a envie de se laisser convaincre.
Je n'irais pas par quatre chemins: c'est une réussite, absolue et totale, si ce n'est peut-être une tendance fâcheuse à vouloir absolument se raccrocher à une sorte d'univers de la franchise, ce qui est doublement une erreur: d'une part parce que l'énorme atout du film est de nous montrer des agents désavoués par leur hiérarchie, livrés à eux-mêmes, leurs principes et leur système D. Ensuite parce que le personnage principal, Ethan Hunt (Tom Cruise) est sur la majeure partie du film limité à un signe, une sorte d'entité extra-humaine, qui lui sied finalement bien. Cette sous-intrigue qui le raccroche au monde des vivants est irritante et apporte quelques moments de fraternité gauches et mal foutus... Mais pour le reste, on comprend tout à fait pourquoi le metteur en scène des Incredibles s'est senti si à l'aise...
L'intrigue est comme la hiérarchie: on peut s'en passer. Nous dirons juste que les agents secrets autour de Ethan Hunt vont devoir se livrer à une extraction de l'un d'entre eux de geôles Serbes, à une infiltration du Kremlin, faire un peu de tourisme au Burj Khalifa de Dubaï, visiter l'Inde, et casser beaucoup de verre, faire exploser des voitures, tuer un certain nombre de malpropres, e tutti quanti. Le tout sans jamais se prendre au sérieux, et surtout surtout, sans jamais laisser le temps à Tom Cruise de prendre son expression N°12, celle qu'il arbore quand il soupèse toute la misère du monde, ou qu'il fait un caca, car par un hasard extraordinaire, c'est justement la même: non, ce qu'il y a de bien dans ce film c'est qu'on peut le regarder en se foutant royalement d'une intrigue de terrorisme et d'agents doubles... Bref on peut la regarder.
Et ce qui devient important, ce sont les liens à l'instant T des agents entre eux, leur amitié si on veut, mais surtout, dans ce monde de "Jusqu'ici tout va bien" permanent, leur nécessité de se fier les uns aux autres, et d'avancer, pendant que le public a juste ce qu'il faut pour apprécier: la perspective de voir Cruise faire de l'escalade sur une paroi du Burj, par exemple (et on SAIT que ça ne va pas bien se passer), ou de le voir avec moustache et Russe courant de rigueur, déguisé en colonel de l'armée Russe... Le tout, comme dans The Incredibles, sans que le monde s'arrête de tourner.
Bien sûr que ça ne fait pas un chef d'oeuvre, mais c'est un divertissement irrésistible. Ce qui n'est pas un mal...