Dans Le rail, on a essentiellement quatre personnages, et un décor assez limité. Et surtout, c'est suffisamment répété dans l'histoire du cinéma, on n'a pas d'intertitres, enfin si: un seul... A part celui-ci, toute la communication non visuelle est ici limitée à la mention des actes et leur fin (chaque acte étant un des cinq jours de l'action), et à un télégramme.
Werner Krauss interprète un garde-barrière saisi dans sa routine. Il vit avec sa femme ( Hermine Straßmann-Witt) et sa fille adulte (Edith Posca); le quatrième personnage est un inspecteur des chemins de fer (Paul Otto), dont un télégramme annonce l'arrivée à la fin de la première journée. Il s'installe et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il séduit la jeune femme. Quand l'épouse les surprend, elle s'enfuit dans la neige et meurt en priant...
Tout le film, le premier d'une trilogie célèbre, est affaire de jeu : jeu d'acteurs, bien sûr, dont le style sera ensuite connu sous le nom de Kammerspiel, théâtre de chambre. La situation est aussi quotidienne, aussi banale même que possible, mais interpelle le spectateur par l'intensité du drame, soutenue par l'intensité du jeu des acteurs. Celui qui se détache du lot, c'est bien sûr Werner Krauss, auquel on peut faire confiance pour en faire des tonnes. Le résultat global est, comme on dit dans ces cas-là, intéressant. Somme toute, comme peut l'être Der letzte Mann, de Murnau, un film dont j'avoue que je ne le porte pas dans mon cœur ! Une expérience, donc, qui sera de courte durée : les metteurs en scène Allemands, Murnau en tête, finiront par admettre qu'il est difficile de se passer d'intertitres.
Le film garde son intérêt historique, et est une bonne illustration de la mainmise des scénaristes sur le cinéma Allemand des années . D'une certaine façon, Carl Mayer, qui va bientôt gagner une réputation phénoménale, est un peu l'anti-Thea Von Harbou... Ce qui ne l'empêchera pas de s'embourber.