On attribue parfois ce film à Jacques Feyder, mais ce dernier n'était que l'assistant de Ravel quand Des pieds et des mains a été mis en chantier; à en croire les historiens, c'est lui qui l'a terminé, sans pour autant en être crédité.
C'est une expérience, plutôt réussie: tout y est vu par des plans des membres (le titre est en effet assez clair), on ne verra les visages des protagonistes qu'à la toute fin du film, qui conte la cour empressée qu'un homme (André Roanne) fait à une femme (Kitty Hott) dont il est éperdument amoureux; en particulier, un épisode montre le sauvetage de la jeune femme alors qu'un 'apache' (Comme on disait alors à Paris) s'est introduit chez elle pour lui voler ses bijoux. Deux détails me semblent à souligner lors de cette séquence: alors que c'est la nuit, pendant la visite du malfrat chez la dame, que fait justement son prétendant au pied de son immeuble, ainsi prêt à la sauver? La preuve que la subtilité n'est pas étrangère à ce film... l'humour non plus puisque le deuxième détail significatif de la scène est que quand il se sent repéré, le bandit se cache derrière un rideau, et seules dépassent... ses chaussures, au milieu des bottines, mules et escarpins de sa victime! C'est non seulement drôle, mais en prime la cohérence du projet est maintenue totalement.
Oui, car l'utilisation des mains et des jambes exclusivement conditionne le film a développer un sens du geste parfait, et les acteurs s'en sortent très bien. Tout en nous présentant une situation particulièrement datée, et socialement extrêmement marquée (ces gens ne sont évidemment pas des roturiers!), Ravel semble s'amuser du détail, que rarement le cinéma des années 10 (à part bien sûr DeMille ou Lois Weber) nous aura aussi bien montré: privée de sa tête pour jouer, Kitty Hott laisse ses pieds interpréter tous seuls la séquence du réveil. Les préparatifs du matin, ceux e la soirée de bal sont l'occasion d'une capsule temporelle complète: élégance des chaussures, précision du maquillage... Feyder a bien sûr tourné un film sur le principe exactement contraire avec Têtes de femmes, femmes de tête. ...Un titre, si j'ose dire, très parlant.
Reste que ce tout petit film (il ne fait, environ, que 800 pieds, si ma mémoire est bonne: je cite ce chiffre de tête) est emballant car très réussi.