Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 juin 2019 6 08 /06 /juin /2019 10:15

Les films de Maurice Mariaud sont rares : il a relativement peu tourné, mais surtout seule une petite moitié de son œuvre subsiste sous une forme ou une autre. Et le bonhomme est peu connu, je vous renvoie à sa biographie par Frédéric Monnier, parue cette année chez ACHCF : Maurice Mariaud, itinéraire d'un cinéaste Français, des Buttes-Chaumont au Portugal.

S'il a débuté en tant que réalisateur chez Gaumont, c'est à un petit studio qu'on doit ce moyen métrage, réalisé pour Phocéa-films. Le nom de la compagnie est clair : c'est bien à Marseille qu'il était situé, et Mariaud n'a pas manqué une occasion de saisir les lieux dans la poésie de ses extérieurs... Ce film est essentiellement un conte édifiant, qui nous parle des dangers de l'alcool en passant d'un certain réalisme naturaliste au quasi fantastique à travers un rêve, sans perdre ni sa verve ni sa cohérence.

François travaille sur le port, et il est d'une grande rigueur, fustigeant ses camarades qui partent passer une heure ou deux au café au lieu de rentrer chez eux: nous assistons en effet au retour du brave homme chez lui, et il ne manque pas de saluer son épouse, son vieux père qu'il a décidé d'héberger chez lui, et son fils qui lui tend les bras à son arrivée. La tablée est heureuse... Mais quand son frère, matelot, arrive pour un ou deux jours au port, François se laisse aller, et il se saoule. En revenant chez lui, il se comporte d'une manière violente et irresponsable. La nuit, il va faire un rêve étrange et un peu burlesque, qui lui fait ouvrir les yeux...

La première partie du film reste la plus intéressante, qui saisit François et sa famille dans la vérité de leurs vies. Le port de Marseille, avec son vieux pont transbordeur visible au fond des plans, et ses quais pleins de vie, et pas de la plus grande propreté, les hommes au travail, montrent un goût certain pour le naturalisme. Si la peinture de la vie en famille des Estaban, chez eux, n'est pas aussi enlevée que les intérieurs Bretons d'Au pays des lits clos avec son utilisation savante de la lumière, Mariaud s'y concentre plutôt avec intensité sur le jeu des acteurs. Lui, qui interprète François Estaban, trouve le ton juste aussi bien dans le naturel de son personnage quand il est est sobre, que dans sa scène d'ivresse qui est remarquable, et servie par la sobriété (sans jeux de mots!) des interprètes qui l'entourent... Le rêve, plus baroque, qui voit François devoir choisir entre boire et se comporter en brute, et tomber dans le piège qui lui est tendu, vaut au moins pour l'idée de l'avoir tourné dans les collines Provençales.

Certes, c'est un petit film, mais il montre un goût, une voix distinctive dans le cinéma Français de l'époque. Et il nous montre aussi un cinéaste qui à l'écart des studios, avec un budget sans doute très réduit, fait beaucoup avec peu, en se basant d'abord et avant tout sur son exigence... le message moralisateur tranche avec la vraie vie de Mariaud telle qu'elle nous est contée dans sa biographie, mais justement, le traitement du rêve nous permet de prendre nos distances avec cet aspect !

Pour le voir, on peut se procurer l'ouvrage que je mentionnai plus haut, l'auteur ayant eu l'excellente idée d'y adjoindre un DVD contenant quatre films du réalisateur tournés entre 1919 et 1929.

http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100222630&fa=details

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Maurice Mariaud Muet 1919