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26 juillet 2019 5 26 /07 /juillet /2019 09:20

Le film avait tout pour être un désastre, voire pour ne jamais être fini, c'est en réalité un miracle... Deux stars, qui n'ont jamais joué ensemble, et dont les méthodes de travail comme l'hygiène de vie, ne pouvaient pas être plus différentes; un metteur en scène spécialiste de la guérilla filmique, que ce soit à Hollywood ou ailleurs, mais dont la tendance à cochonner ses films est plus que légendaire, sans parler de son hygiène de vie à lui aussi! un producteur controversé, une équipe prise sur deux continents et la majorité des extérieurs filmés sur un troisième... N'en jetez plus! 

Je pense que ce qui a attiré le producteur Sam Spiegel, le réalisateur John Huston et le scénariste James Agee dans le film, c'est précisément le bizarre de l'aventure: une histoire d'amour entre deux personnes d'âge mur, ayant vécu dans dux mondes que tout sépare, et qui se retrouvent l'un avec l'autre à la faveur d'aventures plus qu'improbables. Mais c'est précisément l'essence des bons films... Y compris s'ils sont tournés en studio, mais Huston a amené Bogart et Hepburn au Zaïre pour son film... Et ça se voit!

En 1914, dans une petite colonie Britannique, un pasteur (Robert Morley) et sa soeur Rose (Katharine Hepburn) se sont installés dans une petite mission, où ils répandent la bonne parole Méthodiste... Mais les Allemands menacent: comme le leur apprend le Canadien Charlie Allnut (Humphrey Bogart), un marin qui les ravitaille en bateau, la guerre est déclarée, et les soldats de Guillaume II qui tiennent les colonies Allemandes en Afrique pourraient bien se croire obligés de venir attaquer. Et c'est précisément ce qui arrive: les Allemands vont un raid, tue, brûlent le village et s'en vont après avoir frappé le pasteur. Celui-ci, sous le choc, décède quelques heures plus tard, et Charlie revient pour emmener la missionnaire... Celle-ci, qui va être obligée de cohabiter avec le très rustique batelier, va concevoir un plan afin de reprendre du poil de la bête et "faire son travail" pariotique: utiliser le bateau de Charlie, l'African Queen, pour faire un travail de sabotage sur un bateau Allemand. la cohabitation entre les deux vieux solitaires commence...

Et c'est merveilleux, car Huston, qui savait occasionnellement réussir un film, a parfaitement compris le parti qu'il pouvait tirer de ces personnages en filmant à leur hauteur, avec une petite préférence pour le point de vue de Rose, la vieille fille qui s'était enterrée avec son frère, un raté (de son propre aveu...) dont la rigueur cachait à peine l'amertume d'une vie d'échec... Un échec que Rose, toujours comme il faut, peine à cacher elle aussi. c'est donc à travers les yeux de la novice que nous verrons cette aventure, mais aussi parfois à travers ceux de Charlie Allnut, un homme ni instruit ni sophistiqué, dont Bogart fait un vrai gamin, et le compose avec un humour et une tendresse qu'il a rarement réussi à atteindre. L'histoire d'amour entre eux n'est ni saugrenue ni ironique, elle est juste, attendue, et forte. Et les épreuves du tournage (au fait qu'on se rassure, les sangsues sont fausses) ont cimenté le film: une fois qu'on commence à le regarder, impossible de détourner les yeux...

En plus, la beauté naturelle des paysages, et le Technicolor certes fonctionnel plutôt que flamboyant (pour Jack Cardiff, c'était des couleurs presque laides, et il estimait n'avoir fait aucun effort particulier au contraire de ses contributions aux oeuvres de Powell par exemple) viennent contribuer à cette harmonie. Comment ne pas s'intéresser à cette aventure frissonnante pour deux oubliés, qui vont improviser avec un patriotisme inattendu une réplique musclée à leur façon, pour faire leur devoir en pleine guerre? 

Et le pire, c'est que le film n'est devenu une comédie qu'avec l'interprétation de ses stars... Qui de plus, restent pour 80% les seuls humains visibles du film. Bref, une prouesse, en même temps qu'une histoire irrésistible.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie