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31 août 2019 6 31 /08 /août /2019 16:33

Rien qu'en 1910, on compte trois adaptations importantes du roman de Harriet Beecher Stowe aux Etats-Unis, même si aucune ne survit intégralement aujourd'hui... Celle ci ne subsiste qu'à 40% environ, dans des fragments en 8 et 35 mm. On ne présente plus le vieux mélo de 1852, qui dans sa version théâtrale, a contribué grandement à mettre le feu aux poudres en 1860: le sort misérable des esclaves, l'arrière-fond Chrétien très fort, les bons et les mauvais maîtres, les profiteurs venus du Nord anti-esclavagiste pour profiter de la vente d'esclaves... Toute la panoplie, en fait, est passée dans la culture populaire d'un seul coup, ce qui explique que ce film Vitagraph de 1910 totalisait à l'origine 5 bobines...

On passera sur le racisme évident de l'histoire, car il convient quand même de rappeler que ce n'est pas parce que le roman était totalement pour l'abolition de l'esclavage, qu'il nous présentait le peuple noir sur un pied d'égalité. Donc une bonne proportion des esclaves du film sont joués par des blancs en blackface, et le film se vautre dans la facilité raciste, encouragé par le roman adapté: les noirs dans le film comme dans le roman, sont de vrais enfants, et si Tom est un peu plus humain, c'est parce qu'il a de la religion. Les "mulâtres" et autres métis, selon leur degré de blanchitude, sont généralement mieux considérés, et aussi plus désirables pour les femmes: c'est la loi du genre, on va donc être obligé d'accepter en bloc.

Dans la demeure des Shelby, de mauvais choix économiques ont conduit le père de famille à la ruine. C'est un maître bon, chez lequel vivent n paix des esclaves considérés. Deux d'entre eux vont être à l'origine du drame: car Shelby est obligé de faire appel à un affairiste, Haley, pour lui proposer le vente de deux de ses esclaves. Haley jette son dévolu sur Tom (Edwin Phillips), le vieil esclave le plus respecté de la propriété, et sur le fils "presque blanc" de Eliza, la gouvernante (Mary Fuller). Shelby étant obligé d'accepter, nous allons suivre le destin d'Eliza, qui préfère fuir avec son fils plutôt que d'en être séparée, et de Tom, qui sera vendu à un bon maître et développera une relation d'amitié touchante avec la fille mourante de ce dernier. Et en chemin, il y aura des larmes...

Les séquences qui restent sont celles des deux premières bobines, notamment la célèbre fuite d'Eliza à travers la rivière gelée, qui inspira tant le Griffith de Way Down East, mais aussi le passage qui voit Tom, favori de la petite Eva, assister en compagnie de ses nouveaux maîtres à la mort de la petite fille, puis être vendu de nouveau à l'infect Simon Legree, dont la plantation est surtout un endroit pour y satisfaire ses appétits sexuels et son sadisme! Le film se réfugie beaucoup derrière une terminologie et une gestuelle théâtrales pour faire passer la pilule, mais quand la gouvernante en place tente de contrer Simon Legree et de protéger les autres esclaves, si elle explique qu'elle a "un pouvoir sur lui" je pense que la vérité, sordide pour le spectateur de 1910 (A une époque où le mariage ou les relations sexuelles "entre les races" était puni par la loi de façon très dure en particulier dans les états du Sud). Mais nous ne pouvons évidemment regarder ce vénérable mais ô combien fautif objet antique de 1910, comme le prochain James Bond, cela va sans dire. 

Reste que, en fascinant les spectateurs une heure durant, ce film a du contribuer énormément à l'avancée du cinéma, et probablement aussi, en choisissant un spectacle aussi apprécié, et établi que ce roman, pour le faire accepter par les élites conservatrices, tout en flattant leur bon sens Chrétien... blanc.

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Published by François Massarelli - dans 1910 Muet **