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2 février 2020 7 02 /02 /février /2020 08:52

Poursuivant avec ce film son étude des moeurs de la société Américaine blanche des glorieuses années 50, Sirk s'attaque avec cette daptation d'un roman à succès à la famille... Au Texas, la famille Hadley est réduite à trois personnes, mais la réussite du père (Robert Keith) dans le domaine du pétrole leur a permis non seulement de régner sur toute une localité, mais aussi de lui donner leur nom. Outre le père, donc, Jasper, on y trouve Kyle (Robert Stack), le fils, et la benjamine Merrylee (Dorothy Malone). Le père se fait vieux et sait qu'il va devoir passer le flambeau, mais Kyle, alcoolique et volage, n'est pas à ses yeux aussi efficace que l'ami de la famille, Mitch Wayne (Rock Hudson). Merrylee, qui aime Mitch mais sans que ce soit réciproque, couche avec tout le comté et enchaîne les scandales... 

C'est dans ce contexte que Kyle et Mitch, lors d'un voyage-éclair à New York, rencontrent une jeune femme qui travaille pour la compagnie: quand il voit Lucy Moore (Lauren Bacall) pour la première fois, Kyle a le coup de foudre. Mais elle n'accepte pas d'être une conquête de plus, et il l'épouse... Au grand désespoir de Mitch. Seulement les jalousies de l'étrange rectangle amoureux Mitch-Merrylee-Lucy-Kyle vont prendre une tournure inquiétante quand Kyle, qui se croit stérile, apprend de la bouche de Lucy qu'elle va effectivement avoir un enfant...

Dès le départ, Sirk utilise le générique pour installer le drame sans temps morts: il nous montre Kyle, saoul au volant d'une voiture, arriver à la maison des Hadley, Lucy couchée et sous le choc, qui se lève et court en panique dans la maison, Merrylee calfeutrée dans sa chambre qui observe de loin, les domestiques qui eux écoutent aux fenêtres, et enfin Mitch qui veille sur Lucy. A la fin de cette séquence, un coup de feu, et Kyle sort de la maison avant de s'écrouler, raide mort... Une ouverture dynamique en forme de grand final d'un mélodrame, donc, et un prétexte à un flash-back... De quoi colorer les premières scènes de l'intrigue chronologique, délibérément légères, d'une attente d'événements plus noirs.

La différence entre Kyle, fils à papa au comportement indigne, et Mitch, l'ami de Kyle préféré par le père de ce dernier, est au coeur du film. Sirk y radiographie les effets du rêve Américain et la corruption qui s'en dégage, et en matière de corruption Kyle n'est bien évidemment pas le seul visé, puisque Merrylee vaut le détour! A ce sujet, on est surpris de retrouver Dorothy Malone, dont l'autre rôle mémorable est son apparition en libraire à lunettes qui va manifestement donner, tant innocemment qu'hors-champ, du bon temps à Bogart dans The Big Sleep. Ici, en jeune héritière pourrie de l'intérieur par le statut particulier de sa famille, elle est fantastique, et lors de scènes de l'épilogue, consacrées à un procès, Sirk lui donne quasiment le rôle central, puisque le film comme tant d'autres du réalisateur offre une rédemption à l'un de ses personnages, et c'est à Merrylee que revient cet honneur...

Sinon, bien sûr, le cinéaste a recours à son habituelle palette en Technicolor, s'amusant de contrastes (une chambre d'hôtel majoritairement bleue, dans un hôtel aux couloirs roses) et privilégiant les couleurs primaires pour la famille Hadley. Les deux voitures du frère et de la soeur, des modèles sports, l'un jaune et l'autre rouge, tranchent bien sûr avec l'austère véhicule noir conduit par Mitch. Autant de signes, bien sûr, pour une utilisation flamboyante de la couleur, ce qui n'a pas échappé à Pedro Almodovar. Derrière le mélodrame trash, sur un scénario qui aurait pu être celui d'un immonde soap opera, se cache un film d'une immense beauté, qui ne vous lâchera pas.

 

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Published by François Massarelli - dans Douglas Sirk