Comédie, drame mondain, mélodrame... Cette Dame Masquée, produite dans les studios Albatros de Montreuil et mettant en lumière Nathalie Kovanko, Nicolas Rimsky et Nicolas Koline, est un peu tout ça à la fois. C'est aussi, en cette année 1924, un film des plus extravagants, qui n'est sans doute dépassé en étrangeté que par deux productions effectuées autour de Mosjoukine, Le Brasier Ardent et Le lion des Mogols...
Dans un premier temps, on croit à une comédie, durant environ une minute... Nathalie Kovanko interprète en effet Hélène Doss, une adolescente qui s'adonne à son passe-temps favori, le théâtre, devant tous ses petits voisins... mais c'est aussi une tragédie, parce que pendant ce temps-là, sa maison brûle: littéralement! Orpheline, car elle a perdu sa mère dans l'incendie, la voilà donc obligée de mendier une place auprès de sa famille proche, qui est en réalité une bande de sales gens, dont la richesse s'explique d'abord et avant tout par leur appât du gain. Le seul qui trouve grâce aux yeux d'Hélène, c'est l'oncle Michel (Nicolas Koline)... Avec quelques réminiscences de Way down east, nous voilà en plein mélo.
Mais la jeune femme est aussi l'unique héritière d'un lointain oncle, et afin de faire main basse sur sa fortune, son cousin germain, un bon à rien dont le goût pour le jeu fait courir la famille à la ruine, reçoit donc pour mission de l'épouser. Le mariage d"intérêt sera tellement inintéressant, qu'Hélène va céder aux avances de Girard, un ami de son mari: le film devient un drame mondain, dans lequel Girard meurt suite à une tentative de chantage sur l'héroïne. Qui l'a tué? ...Une seule certitude: il y a eu un témoin, l'ignoble Li, le tenancier Chinois d'un tripot local que fréquentaient à peu près tout le casting du film...
Comment, après cela, voulez-vous prendre ce film au sérieux? Clairement, l'intention de Tourjansky et d'Albatros, est de proposer au public un divertissement à la mode Hollywoodienne, dans lequel un parfum de pastiche flotte, jamais trop souligné, mais qui accumule les péripéties avec une abnégation qu'il convient de saluer. Dire qu'elles sont incroyables ne changera rien à l'affaire: l'idée était de divertir... Et d'ailleurs, comment voulez-vous y croire, quand on passe de la devanture d'un restaurant Chinois, à son intérieur, qui s'avère grandiose? Car les décors, les costumes, tout l'apparat du film a été particulièrement soigné, d'autant qu'Albatros commençait dans ce domaine à avoir une sacrée réputation.
Il ne s'agit pas de faire grand cas de ce film, qui déçoit forcément un peu... Nathalie Kovanko et Nicolas Koline sont splendides, Rimsky en fait des tonnes en incarnant à lui seul l'inévitable "péril Jaune", une sale manie des Etats-Unis à l'époque du muet, qu'on n'était en aucun cas obligé d'importer. Mais le jeu adaptable de l'actrice me semble promettre de la comédie, et on se sent un peu frustré à ce niveau... Et tant qu'on parle de Nathalie Kovanko, elle avait manifestement apporté sa garde-robe, comme en témoigne cette robe noire (voir photo), frappée de ses initiales. Mais bon, même raté (et c'est assumé par tous), il y a toujours tant à trouver dans un film Albatros...
https://www.youtube.com/watch?v=MLEYOi-2weo