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3 juin 2020 3 03 /06 /juin /2020 16:53

A Péribonka, au fin fonds du Québec, vit la famille Chapdelaine: le père, Samuel (André Bacqué), la mère Laura (Suzanne Desprès), le jeune fils Tit-Bé (Emile Genevois), la petite Alma-Rose, l'aîné Esdras et Maria (Madeleine Renaud), la belle jeune femme à marier de la famille. au moment où le film commence arrive le trappeur François Paradis (Jean Gabin), qui n'a pas vu Maria depuis qu'elle était une adolescente. le coup de foudre est immédiat et réciproque. Mais si Maria et ses parents vont avec plaisir revoir François, la famille est intéressée par les sollicitations de leur voisin, Eutrope Gagnon (Alexandre Rignault): avec sa terre à vaincre, son mode de vie farouche et indépendant, il représente une sorte de continuité pour Maria. Mais celle-ci lui préférerait François, ou encore Lorenzo (Jean-Pierre Aumont), un visiteur de la ville. Basé aux Etats-Unis, il représente l'attrait de a modernité. 

Tout ça pour dire que la pauvre jeune femme est bien mal pour choisir, surtout quand on lui rapporte des bois le cadavre congelé du pauvre François Paradis...

Ce film, le premier qui fut adapté du roman de Louis Hémon (au fait, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguité, le roman en question est Français, écrit par un observateur de la vie au Québec), a été tourné sur place, et je suis persuadé que c'est comme ça que Duvivier a persuadé Gabin de participer. Ce dernier a pu jouer au trappeur, qui bondit de canoë en canoë, pagayant au milieu des rapides! Le cliché d'un pays constamment enneigé a été évité, et le film commence aux beaux jours, une période pleine de promesses, pour Maria comme pour sa famille: tout le monde attend quelque chose: François a de grands projets pour l'avenir, Eutrope est convaincu qu'il se mariera avec Maria, Laura pense que son mari va réussir à dompter la sauvagerie de la nature, etc... Mais l'hiver sera rude.

Le lyrisme de Duvivier éclate, comme on s'en doute quand on connaît le cinéma du bonhomme, dans la première partie. Il fait de la rencontre entre Gabin et Renaud (qui ont déjà joué ensemble dans le piteux La belle marinière) un grand moment, en apportant à leur timidité un contrepoint fait de nature, et en soulignant les sentiments naissants par le recours à de fulgurants flash-backs: le cinéaste s'y rappelle avec talent de sa période muette! Il rappelle aussi qu'il a été un pionnier du cinéma parlant avec Allo Berlin, Ici Paris, et dissocie l'image et le son en faisant intervenir des bribes de dialogue de François Paradis. Bref, Duvivier ne se contente pas d'aligner les belles images et une morale d'une dureté exemplaire, il fait du cinéma.

L'hiver culmine dans le film comme dans le roman avec la mort de Paradis, qui sonne le signal du deuil pour Maria de l'amour, et d'un "entre-deux" galvanisant: ne pas s'enterrer dans une vie de labeur qui ne débouche sur rien comme ses parents, et ne pas pour autant perdre ses repères culturels en filant aux Etats-Unis... Le message final est assez cruel, à l'image du cinéma de Duvivier. Mais celui-ci me semble ici jouer sur deux tableaux, d'un côté le chant lyrique sur la résilience obéissante des femmes Québécoises, de l'autre, l'attrait de la grande aventure. Et pour finir, une promesse de mariage qui ressemble à s'y méprendre à un renoncement. Et le prêtre violent (qui engueule quasiment Maria de pleurer sur le cadavre à peine dégelé de Paradis) ne fait que l'accentuer...

 

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier