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17 octobre 2020 6 17 /10 /octobre /2020 13:41

Le titre, cet "acier bleu", est en fait une allusion à une arme de poing et à la fascination qu'elle engendre, ce qui va précipiter l'un des personnages importants de ce film vers l'horreur...

Megan Turner s'est faite toute seule, et contre l'avis de sa famille, surtout celui de son père, une brute, elle est devenue policière. Lors de l'une de ses premières missions, livrée à elle -même, elle improvise une intervention contre un malfrat qui cambriole un supermarché, avec une arme. Du moins, elle a vu une arme...

Nous aussi, et un témoin fort discret également...

Lors de ce hold-up, Megan a tiré contre l'assaillant, plusieurs fois, et le bon droit a triomphé; mais l'arme du malfaiteur a disparu, et comme aucun des témoins interrogés ne l'avait vue, les supérieurs de la jeune femme sont particulièrement peu motivés pour lui confier de nouvelles missions. Jusqu'au jour où un crime est commis, avec une arme à feu: la balle retrouvée dans la victime a la particularité d'avoir le nom de Megan Turner gravé sur son côté...

Jamie Lee Curtis porte tout le film avec son interprétation d'une femme à la fois forte (ses convictions, son engagement, mais aussi la force de ses attaches affectives: sa mère victime des coups de son père, et sa meilleure amie chez laquelle elle se réfugie pendant la "crise"...) et fragile: elle est novice et lors du hold-up, c'est d'une voix mal assurée que la jeune recrue intime à l'assaillant l'ordre de jeter son arme... C'est que Megan a plus encore à gagner que n'importe quelle recrue, finalement. En plus de souhaiter faire régner l'ordre, l'agent Turner souhaite en effet rééquilibrer sa vie, expier pourquoi pas pour son père brutal, et affirmer aussi un vent de changement dans la police... Car même si Kathryn Bigelow a décidé de ne pas se vautrer dans un commentaire anti-sexiste, il est visible en creux, à travers la facilité déconcertante avec laquelle les supérieurs de Megan non seulement mettent en doute sa parole, mais aussi la rapidité avec laquelle ils la considéreront comme une recrue à éliminer...

C'est paradoxalement lorsqu'arrive son ennemi invisible, dont nous connaissons nous l'identité et dont nous avons presque assisté à la gestation dans des scènes parfois excessives (dont le baroque est pour moi inhérent à la période et aux films néo-noirs: on en trouve d'autres, plus fortement appuyées encore, dans Manhunter de Michael Mann) que Megan Turner va voir le vent changer, comme si l'existence d'un double maléfique (ce qu'il revendique en tout cas) était précisément la mission attendue par la jeune femme. Celle-ci devient par bien des aspects la détentrice d'une quête féminine à accomplir... 

Le film ressort intégralement des codes et de l'esthétique du néo-noir, comme je le disais plus haut; Bigelow est très forte dans sa reprise d'un style très fortement stylisé, qui alterne des plans courts et d'autres, volontairement étirés, dans lesquels les personnages peuvent vraiment exister: Jamie Lee Curtis en tête, bien sûr... Elle use du ralenti, et se garde d'en abuser, même si au fur et à mesure de l'avancement de l'intrigue, elle va s'ingénier à brouiller justement cette piste là, en ayant de plus en plus recours à des ralentis, qui ne sont pas des ralentis de tournage mais ils ont été effectués au montage... Enfin, elle n'a pas son pareil pour filmer au plus près des corps, que ce soit dans des séquences d'action absolument époustouflantes, ou pendant une unique scène de tendresse amoureuse, qui réussit a rester relativement pudique... D'autant que pendant cette relation torride, les amants ne savent pas qu'il y a un homme tout nu et armé dans la salle de bain. 

Caché dans la douche, sans doute...

 

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Published by François Massarelli - dans Noir Kathryn Bigelow