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16 décembre 2020 3 16 /12 /décembre /2020 13:14

Ecrit, dessiné et publié entre 1889 et 1893, La Famille Fenouillard de Christophe (George Colomb) est l'une des oeuvres graphiques fondamentales qui mèneront à la bande dessinée... C'est aussi un univers proche du cinéa des origines, et ça ne pouvait qu'attirer l'attention d'Yves Robert, passionné de cinéma et en particulier du cinéma muet burlesque. C'est donc, à travers une adaptation de l'oeuvre initiale, à un hommage aux premiers temps du septième art que nous convie le metteur en scène pour son quatrième long métrage...

A St-Rémy sur Deule, une petite bourgade Française, vit la Famille Fenouillard, soit Léocadie Fenouillard (Sophie Desmarets), ses filles Arthémise et Cunégonde, et surtout Agénor Fenouillard (Jean Richard), bonnetier comme tous ses ancêtres. Un brave français, vantard autant que couard, curieux de tout mais connaisseur de rien, vantard et vide de sens... Ce qui ne l'empêche pas de souhaiter briguer la mairie: pas facile pour celui qui n'a jamais quitté les limites de sa commune: il décide donc de partir pour la grande aventure avec sa famille: ils vont se rendre à Paris pour voir la Tour Eiffel...

Ils ne verront jamais ni Paris, ni la Tour Eiffel, car les Fenouillard vont se tromper de destination, et se retrouveront au Hâvre, puis sur un bateau, puis sur la côte Brésilienne, puis au Pole Nord, puis au Japon, et j'en passe...

Yves Robert a décidé de faire trancher son film totalement sur les autres oeuvres déjà réalisées: il a donc imaginé de tourner en studio, devant des toiles peintes (à la façon de Méliès, c'est à dire que ça se voit) en reproduisant autant que possible la composition spécifique des bandes de Christophe, ce qui lui permet d'afficher un style graphique très proche de tout le cinéma de la fin du XIXe et du début du XXe siècle... Car Robert est pour sa part un connaisseur et il prouve ici qu'il a vu les films de Méliès, donc, mais aussi de Edwin Porter (on reconnaît une citation de The gay shoe clerk), et il fait assumer à son film une identité visuelle d'abord, laissant parfois le dialogue fournir les gags, mais en utilisant la bande-son aussi souvent que possible pour des bruits ambiants plus que du sens...

Il s'inspire de formes éculées du cinéma des années 1900 (le split-screen), tout en utilisant les figures géométriques des "fenêtres" présentes dans les cases de Christophe; et il fait aussi du hors sujet: il va même jusqu'à citer la fameuse séquence des tartes à la crème de Laurel et Hardy, tirée de The battle of the century, de Clyde Bruckman; il en cite non seulement l'argument (déluge de fromages blancs, ici, en lieu et place de tartes à la crème), mais aussi la progression (de plus en plus de fromages qui volent, et dans tous les sens), et enfin il va jusqu'à en citer les plans les plus emblématiques: une prouesse, mais un peu visible quand même... Mais sinon, Robert utilise parfois avec bonheur les ressources du cinéma pour créer une véritable comédie visuelle personnelle: un ballet de chapeau, par exemple, dans lequel il se fait plaisir. 

Le défaut est que, même à 1h et 20 minutes de film, c'est encore un peu trop long, car le cinéaste a été, sans doute, un peu trop fidèle à son modèle principal. Et s'il y a des audaces, des vraies, elles sont un peu noyées dans une tendance à toujours revenir à la bande dessinée, qu'elle soit drôle ou pas, que le rythme fonctionne ou qu'il devienne répétitif... Ainsi le film, pour résumer, est-il trop sage d'avoir voulu être trop respectueux de l'oeuvre adaptée!

Il n'empêche, adapter comme l'a fait Yves Robert une oeuvre aussi distinctive que La famille Fenouillard pour le cinéma, sans tomber dans la normalisation d'un cinéma burlesque français qui l'aurait rendu vulgaire, il fallait l'oser...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yves Robert