A Dôle, dans le Jura, Francis Bergeade (Michel Serrault), dirigeant d'une PME, affronte une grève de ses employées. Elles font des lunettes, mais de toilette, et le marché semble en crise... Par-dessus le marché, bien qu'il vive avec elles, il est en froid avec sa fille qui s'apprête à se marier, et avec son épouse (Sabine Azéma) qui le prend de haut. De très haut... Bref, il n'y a qu'avec son copain Gérard (Eddy Mitchell) qu'il se sent bien. Mais lors d'une sortie des deux amis au restaurant, Francis plonge la tête dans ses rognons... C'est un malaise vagal, mais clairement il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
Lors d'une émission de télévision (une vaste connerie, mais dans la mesure où c'est, je me cite, "une émission de télévision", forcément...), une famille du Sud-Ouest se présente: le père de famille a disparu corps et biens en 1967, pourrait-on le retrouver... Francis se voit, sur la photo d'époque diffusée à la télévision... Est-il vraiment Francis Bergeade, industriel Franc-Comtois, ou est-il Michel Thivart, agriculteur disparu de Condom (Gers), et époux de la belle Dolores (Carmen Maura)?
On le saura, et on le saura très vite... Car ce film n'est pas une sombre enquête autour de la disparition mystérieuse d'un homme, mais une comédie qui va nous montrer un homme qui revit en se découvrant une porte de sortie, à la vie terrible qu'il mène. Alors on va le dire tout de suite, le film sortirait aujourd'hui, je pense qu'il se prendrait une volée de bois vert, pour des raisons diverses et variées tournant autour d'un féminisme bien éloigné des préoccupations de Chatilliez et de sa scénariste Florence Quentin. Mais ce que le film accomplit, et son dialogue aussi particulièrement, c'est de nous transporter dans un monde où Sabine Azéma est vraiment une emmerdeuse, une vraie...
Il y a des incohérences dans le film, mais à travers ses acteurs et actrices, Chatilliez transcende l'écueil. Et à travers les dialogues là encore, car c'est sinon d'une grande justesse, un grand bonheur. Et la palme du couteau suisse revient à cet acteur fabuleux qui fait tout, mais alors tout passer dans un éclat de rire permanent: Eddy Mitchell, dont c'est sans doute le plus beau rôle de tous les temps...
Car ce qui compte avec ce film, c'est cette illusion de bonheur qui nous est montrée, comme une halte salutaire, au milieu de tous ces gens qui, si on écoute bien, n'ont que des platitudes à dire, mais ils le disent avec l'accent, et une évidente humanité. Ca repose, et ça ressemble un peu à une madeleine.