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23 août 2021 1 23 /08 /août /2021 07:54

Johnny Smith (Christopher Walken) est un professeur de lettres passionné qui vit à Castle Rock, dans le Maine. Il va se marier avec une de ses collègues, Sarah (Brooke Adams), et un soir d'hiver, après avoir raccompagné la jeune femme chez elle, il a un accident. Il reste dans le coma durant cinq années... Quand il revient à la vie, c'est pour apprendre que Sarah est désormais mariée, et a un enfant... Mais Johnny n'est pas tout à fait le même: il a acquis durant son coma un nouveau sens, qui lui permet de connaître des détails passés, contemporains ou futurs de la vie de ceux qui entrent directement en contact physique avec lui...

Dans un premier temps, il s'en sert occasionnellement, et risque à tout moment de devenir un monstre de foire; puis son "talent" est utilisé dans une affaire de tueur en série par un shérif de Castle Rock (Tom Skerritt)... Malgré sa réticence à utiliser son don, Johnny réalise qu'il peut même changer le cours des choses.

Pendant tout ce temps, un politicien populiste, Greg Stillson (Martin Sheen), a entamé une campagne d'élection au sénat qui semble un élan irrésistible vers la victoire...

Cronenberg a fait sien le prétexte de King, qui imaginait la vie d'un homme prisonnier à la fois de ce trou béant dans sa vie, et d'un don dont il ne voulait pas. Mais le cinéaste fait du mystérieux pouvoir de Johnny Smith une extension de son propre corps, quelque chose, d'ailleurs, lié à la fameuse "zone morte" de son cerveau. Comme il sied à un conte de King, cet aspect ne sera pas plus clair dans le film que dans le roman, et ce n'est pas grave... Non, ce qui compte c'est bien sûr la vie de Johnny Smith, à nouveau (après Jack Torrance et avant Paul Sheldon un double de Stephen King lui-même: d'une part, il enseigne la littérature, et d'autre part, les premières scènes en font un double physique de l'écrivain. Son retrait du monde, son don aussi sont des métaphores de la vie complexe de King, l'homme qui parle de l'humanité malade à travers ses contes horrifiques, et qui offre toujours un troublant miroir de notre monde à travers ses histoires.

Et le film, tout en étant un conte fantastique, justement, épouse aussi tout l'univers de l'écrivain, devenant sinon sa meilleure incarnation cinématographique (le débat reste ouvert au vu de l'importante proportion d'oeuvres de premier plan), en tout cas le meilleur reflet de son monde: le Maine et sa froideur hivernale, entre rigueur et superstition, cette vie simple et rustique des braves gens soudainement perturbée par l'apparition de ce douteux personnage de politicien (un coup de maître de Stephen King, si vous voulez mon avis, parfaitement incarné par Martin Sheen), vie d'ailleurs située à Castle Rock, le trou perdu idéal créé par King pour un grand nombre de romans...

Cronenberg a parfaitement réussi son film, servi par un scénario jamais servile, et des acteurs formidables, à commencer par Christopher Walken, dont c'est l'un des rôles les plus marquants. Cette histoire d'un sacrifice inévitable tourne autour de la solitude, assez proche de celle d'un écrivain, à travers la métaphore de ce don étrange d'extrapoler la vie des autres par le contact physique; il y est question de la perte ou du passage du temps: ce qu'on a maintenant nous échappera un jour... Et King comme Cronenberg posent aussi une question aussi futile que fondamentale: si on peut changer le futur, doit on pouvoir le faire? Futile car c'est impossible, et fondamental car c'est la question de la responsabilité historique, un thème qui reviendra dans le roman 22/11/63

 

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Published by François Massarelli - dans David Cronenberg Stephen King