Detroit... Jay (Maika Monroe) a un amoureux, Hugh, et elle a un rendez-vous avec lui. Sur les bords du Lac Michigan, ils prennent la décision d'aller, comme on dit, jusqu'au bout... Mais après les ébats Hugh la drogue et la ligote, puis lui explique la situation: il était "infecté" par une malédiction, et en ayant un rapport avec elle, il la lui a refilé. Elle devra maintenant fuir, car "ça" peut venir à n'importe quel moment, sous la forme d'un être humain, pas forcément en très bonne santé; si "ça" la rattrape, elle va mourir, et lui ensuite. Le seul moyen d'enrayer le destin est de passer à son tour la malédiction à quelqu'un d'autre, et d'éloigner au maximum les chances de mourir... Commence alors une course contre la montre, car Jay se rend bien vite compte que la menace est bien réelle...
Nous aussi: nous sommes prévenus par un prologue d'une rigueur et d'une efficacité maximale, dans un film qui est une authentique réussite, dans un genre qui n'en connaît pas beaucoup, et qui n'en a d'ailleurs pas connu tant que ça dans l'histoire du cinéma. Evacuons tout de suite une rumeur persistante: le film n'est pas une métaphore sur les MST, ou le SIDA... Il s'agit plutôt d'une histoire de terreur à l'ancienne, qui permet au réalisateur de jongler avec la riche thématique du genre, et d'explorer le comportement d'adolescents et de jeunes adultes d'un quartier en déconfiture de la ville de Detroit.
L'idée est venue à Mitchell après un cauchemar, qu'il a essayé d'utiliser dans un script dès 2011. Le fait de construire une idée comme celle d'un être humanoïde qui peut prendre n'importe quelle forme, avec comme "mission" de vous détruire, située dans le décor d'une banlieue en pleine décrépitude comme celles qu'on peut voir dans le film, et l'abondance de décors pertinents (dont des piscines et une petite plage tranquille au bord du lac Michigan) débouchent sur un suspense maximal. Bien sûr, les effets sont plus que ménagés, et l'interprétation est intelligente: pas d'excès d'émotion, et pas un gramme d'ironie facile au dépens des personnages ici.
Et bien sûr, le dernier mot sera pour la mise en scène. En combinant ses influences (Hitchcock, De Palma, Tourneur, Cronenberg...) Mitchell se situe du très bon côté du film d'angoisse, qu'il met en scène face à une authentique humanité, celle d'une adolescente victime d'un destin bizarre, et dont l'éveil à la sexualité est perturbée par le fait qu'elle devienne une question littérale de vie ou de mort. Le champ est utilisé à merveille, ce qui fait qu'au bout d'une demi-heure il devient impossible pour le spectateur de ne pas scruter les plans pour y trouver "la chose", en train de venir droit vers nous! une scène finale dans une piscine prend son inspiration dans une scène de Cat people de Tourneur: Jay, dans l'eau, est la seule à voir son assaillant. La scène est vue selon le point de vue des amis qui l'accompagnent et qui vont être témoins de phénomènes qu'ils vont devoir comprendre et reconstituer à partir d'indices épars: bruits, objets qui volent dans l'eau, et le doigt pointé de l'héroïne vers la direction de son tourmenteur invisible...
Car Mitchell est un cinéphile, et ça se voit. A la façon de Joe Dante, il a truffé son film d'écrans, et par exemple, les amis de Jay aiment se retrouver autour d'un bon vieux film de SF des années 50 à la télévision. Jay elle même a une petite piscine, où elle passe du temps... Mais elle pose un récepteur de télévision qui diffuse des films pendant sa trempette! Et le premier rendez-vous avec Hugh est situé dans un cinéma qui diffuse Charade de Stanley Donen: comme Audrey Hepburn face à Cary Grant, Jay aurait du se méfier de ce "Hugh" dont on apprendra plus tard que son vrai nom est Jeff, et ses intentions peu orthodoxes. Mais de fait, dans It follows, les deux protagonistes sortiront du cinéma avant la séance...
Grande réussite, et d'ailleurs on a envie d'y retourner!