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Une nuit, en février 1945, dans le nord de Paris. Un camelot marié et heureux père d'une ribambelle d'enfants cherche sa fille, il sait bien qu'elle est probablement avec un garçon, mais son épouse ne le laissera pas rentrer tant qu'elle ne sera pas au bercail; un couple aisé, dont la voiture est immatriculée à Londres, se sépare: l'épouse, qui veut quitter son mari, en profite pour faire une visite impromptue à son père, un vieux collabo qui tente de passer entre les gouttes de l'épuration; le fils de ce dernier, un triste voyou qui s'est acheté on ne sait comment la réputation d'un héros, sait très bien que son rôle durant l'occupation, à laquelle il a participé en dénonçant des résistants et en prêtant main forte à la Gestapo pour torturer, va le rattraper tôt ou tard, et il va prendre la décision de fuir en Espagne, "là où il a de vrais amis"; un prisonnier de guerre venu annoncer à l'épouse d'un camarade le décès de son mari a la surprise de voir ce dernier bien vivant, et en pleine forme, et va passer la soirée avec eux. Au milieu de tout ça, un couple va se former, et le destin, qui est incarné en un vagabond qui joue de l'harmonica, va nouer et dénouer ses fils...
C'est après Les enfants du paradis et son triomphe que Carné et Prévert ont mis en chantier ce nouveau film, à nouveau avec la même troupe de collaborateurs (Kosma, Trauner sont de la partie), et avec un solide groupe de comédiens: Carette, Bussières, Jane Marken, Pierre Brasseur, Saturnin Fabre, et des nouvelles têtes, dont Serge Reggiani, Nathalie Nattier et Yves Montand. Ces deux derniers sont donc le couple vedette, deux personnes qui se rencontrent dans le chaos d'une journée, s'aiment, et puis... Les deux auteurs reviennent donc en partie au fantastique de Les visiteurs du soir, sans le prétexte médiéval, et tissent une intrigue très contemporaine, empreinte des préoccupations particulières d'une douloureuse après-guerre, dans laquelle un personnage étonnant, mi-lutin, mi-diable, est en fait une incarnation du destin par Jean Vilar. Jean Vilar qui passe son temps à jouer la musique obsédante de Kosma, et qui provoque des réactions de rejet entre moquerie et agacement partout où il passe... Ce qui se comprend, et j'hésite à l'écrire, c'est un peu comme le film. Car on e demande un peu si on avait vraiment besoin de cet étrange bonhomme pour que le film fonctionne! Car Carné et Prévert, si on fait exception de ce sacré destin, ont plutôt bien réussi leur film sur la première heure.
Ca se gâte avec l'apparition de Malou (Nathalie Nattier), qui a le redoutable honneur de devoir donner la réplique non seulement au novice Montand, mais aussi à Saturnin Fabre (royal, voire Fabresque), Serge Reggiani et Pierre Brasseur: c'est sans surprise qu'on dira qu'elle ne fait en aucun cas le poids, et comme les auteurs l'ont assignée au strict minimum, elle n'en est que plus fade encore. Montand, remarquez, avec tout le respect du au monstre sacré qu'il n'était pas encore, n'est pas non plus très à l'aise... Ce qui renvoie aux Visiteurs du soir, là encore, dont le principal défaut était incarné dans l'abominable pesanteur des deux amants qui en étaient les héros, face à l'énormité du diable de Jules Berry. Et le fait que Carné ait explosé le budget avec ses rues reconstituées et sa station de métro, ne fait rien pour arranger les choses. Pourtant, quand on croise Carette et sa gouaille, les retrouvailles Montand-Bussières en "camarades", Fabre en insupportable fasciste désabusé, on a très envie d'aimer ce film! Mais il reste désespérément coincé dans un inconfortable entre-deux, entre le bonheur d'une réplique et la fadeur d'un acteur, entre le plaisir de la musique et l'horreur d'une interprétation par une des protagonistes. Pour raconter à leur façon, poétique mais réaliste selon la formule consacrée, leur après-guerre, nos deux cinéastes avaient-ils besoin de tout ce fatras?
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