Un groupe de policiers New Yorkais de la brigade des stupéfiants ont un mode de fonctionnement qui leur permet des résultats enviables: ils réussissent à occasionner des procès très médiatiques et des vies au-dessus de leurs moyens... Mais ils ont aussi une réputation de corruption qui agace de plus en plus les services de régulation. L'un d'entre eux, Danny Ciello, est approché avec un ultimatum: collaborer avec la police des polices pour démanteler la corruption, ou subir les conséquences de l'opération mains blanches qui s'annonce. Dans un premier temps il réussit à obtenir un semblant d'immunité pour lui et ses copains, mais les aléas des enquêtes, les ambitions des uns et des autres et les changements de personnel dans les services font que la pression devient de plus en plus forte...
Côté pile, c'est un regard sans la moindre concession sur une série de système: aussi bien celui des policiers corrompus, dont le héros, que la machinerie qui va les engloutir, à coup d'enquêtes, de contre-enquêtes, de détecteur de mensonge, et d'interrogatoire psychologiquement musclés. Lumet utilise pour rythmer les étapes de son film des fiches des policiers comme de leurs accusateurs, finissant par faire ressembler tout le monde à des gangsters! Le montage ironise également sur la valse des enquêteurs, grâce à une scène qui nous montre le même bureau, qui devient de mois en mois celui de nouveaux avocats au ton systématiquement différent...
C'est tout un monde qui semble d'ailleurs en venir à sa fin, avec cette enquête qui s'adapte à une nouvelle optique policière, qui va à l'encontre des habitudes des vétérans: graissage de pattes, collaboration illégale entre les services et entretien des informateurs à coup de kilos de drogue! Mais les "vieux de la vieille" s'insurgent, pourtant: ils ont toujours fait comme ça et obtenu des résultats; le suspense final du film repose sur ce qu'il adviendra du héros, incarné par Treat Williams: sera-t-il lui aussi broyé par l'impitoyable machine judiciaire qui s'est mise en branle, ou y échappera t-il?
Le choix des acteurs, souvent de solides seconds rôles ou des gens peu connus, jouent en la faveur d'un film qui fait repose une bonne part de son naturalisme sur la véracité des actes. Autant dire que Brian de Palma (qui a été débarqué du film) avait tout faut quand il a dit que Treat Williams desservait le film avec son côté monsieur tout-le-monde! Au contraire, c'est un atout. Et sans se situer totalement à l'opposé des opéras de Martin Scorsese (dont il anticipe Goodfellas de huit ans), il propose une musique bien différente, moins opératique, le genre de film ironique dont les menaces sont incarnées à l'écran par des fonctionnaires gris, zélés, intransigeants, mal polis et avec des coudes rapiécés sur leurs vieilles vestes de la dernière mode 1973...