1862: alors que la guerre, et avec elle la menace des raids confédérés, se rapproche, une famille s'interroge: les Birdwell sont quakers, et donc foncièrement opposés à toute violence, et encore plus à tout participation politique à un conflit: comme le rappelle souvent la mère de famille (Dorothy McGuire): "Thou shalt not kill"... Mais Mattie (Phillys Love), la fille de la famille est amoureuse de Gard, le fils d'un voisin qui lui s'est engagé dans les troupes de l'union; le fils Birdwell, Josh (Anthony Perkins), admet que ça le démange. De son côté, Jess Birdwell, le père (Gary Cooper), est plus occupé à tricher un peu avec les préceptes de son épouse (il est obsédé par l'idée de battre son meilleur ami à la course avec son cheval, une quête narcissique et frivole incompatible avec la moralité quaker) qu'à se prononcer sur la guerre...
Le film commence comme une chronique douce, tendre et parfois gentiment drôle sur la vie à l'écart (pas totalement, ils y a toute une communauté de quakers), d'une famille à part: totalement Américaine dans sa façon de prendre la vie, mais à l'écart des auto-satisfactions propres à l'âme Américaine, et de la glorification de la possession... Ils vont pourtant, chacun à sa façon, être amenés à se battre pour ce qui est à eux, et pour des valeurs qui englobent justement, et c'est paradoxal, la paix... Du reste, objectivement, le combat du Sud ne peut les intéresser puisqu'ils sont résolument anti-esclavagistes...
Le film est construit sur une lente montée de la menace de la guerre, qui pourrait bien être prise pour de la comédie pure pendant toute la première partie. Le temps pour nous de découvrir et d'apprécier les personnages. Wyler semble laisser la famille installer son propre rythme, indolent et timide, mais ne cesse de placer Dorothy McGuire, véritable cheffe de clan, dans le champ; les crises, les renoncements, les choix drastiques de cette famille, tout sera en fait vécu selon son point de vue, que ce soit la venue d'une troupe de Sudistes en vadrouille qui menacent de s'en prendre à son oie apprivoisée, ou la découverte que son mari a échangé son cheval contre une jument qui a probablement participé à la guerre d'indépendance, mais qui est de fait très rapide!
Le film, sans crier gare, rejoint avec sa gentille famille quaker, les quasi-obsédés divers et variés de l'oeuvre du cinéaste, ainsi que ses personnages en conflit intérieur (Dodsworth, par exemple), mais aussi la famille prise en otage par Humphrey Bogart dans Desperate Hours...