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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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28 décembre 2021 2 28 /12 /décembre /2021 09:11

Une étudiante brillante en astronomie (Jennifer Lawrence) a repéré une comète inconnue en mouvement; elle s'en ouvre auprès de collègues, dont son professeur, Randall Mindy (Leonardo di Caprio). Ils font des calculs, et constatent que selon toute vraisemblance elle fonce sur la terre qu'elle percutera 6 mois plus tard. Ils sonnent le branle-bas au plus haut niveau de la communauté scientifique, et bien vite l'alerte arrive à la maison Blanche... Mais aussi bien au niveau présidentiel qu'au niveau des médias, personne n'écoute ni ne prend en compte la menace. Tour à tour moqués parce qu'ils ne passent pas très bien à la télévision, ou érigés en lanceurs d'alerte officiels, et donc plus faciles à contrôler, les deux scientifiques se rendent vite compte que leur mission d'alerter l'humanité est impossible...

Un intéressant paradoxe: ce film qui est en passe de devenir un phénomène (énorme succès sur la plateforme Netflix, et des sujets sur France Info!) a été rendu possible, justement parce qu'il est distribué sur internet seulement... Et ça tombe bien, car s'il avait été distribué à l'ancienne, il aurait du passer par tant de filtres et d'étapes de développement, qu'il ne serait sans doute même pas encore tourné... Donc pour une fois, ne boudons pas notre plaisir et réjouissons-nous d'avoir notre petit robinet à films.

L'année dernière, un film de Charlie Brooker (par ailleurs l'heureux papa de Black mirror) tentait de faire de la comédie grinçante avec le retour sur la situation délicate actuellement traversée par l'humanité (et je parle bien ici de la pandémie et non de cette supposée et absurde dictature des démocraties dénoncée par les imbéciles sur les réseaux), dans un film raté: Death to 2020 reposait sur un gimmick et un seul, et était tellement tarte que je ne dois pas être le seul à ne pas l'avoir regardé jusqu'au bout (notons que la chaîne et le réalisateur ont récidivé cette année avec Death to 2021: ça va probablement devenir une tradition, les Britanniques adorent rajouter des trucs systématiques lors de la période des fêtes)... Don't look up, film spectaculaire et doté d'un gros budget, évite les mêmes écueils, pour commencer en utilisant la parabole: pour parler du monde dans lequel nous vivons depuis 2019 (ou 2016, car l'élément de politique intérieure des Etats-Unis est crucial pour le film), d'une communauté scientifique qui ne parvient plus à faire passer les messages (pandémie et/ou réchauffement climatique), le film passe par le truchement d'une intrigue totalement fausse, et même extrêmement simple, dont on ne dévie jamais, y compris quand l'humanité décrite sous nos yeux, elle, noie le poisson avec allégresse... Car dans ce film, la terre va effectivement être détruite par une méga comète, c'est inéluctable, et les scientifiques qui passent le film entier à sonner l'alarme ont raison. Ce qui nous rappelle évidemment notre situation, et non, Randall Mindy n'est pas le Dr Raoult, mais son contraire, c'est à dire un scientifique intègre, ou plus ou moins: pas facile dans le monde de 2021 de rester à 100% concentré sur ses convictions!

Ce film qui nous rappelle avec humour à nos responsabilités vis-à-vis des générations futures a aussi un autre aspect paradoxal, plus dangereux celui-ci: il est long, très long, et aujourd'hui les mêmes qui sont capables de passer une nuit entière à regarder 51 épisodes d'une même série, n'aiment pas passer trop de temps sur un seul film. Je dis "plus dangereux" pour la postérité du film (dans 6 mois, on en parlera comme d'un vieux film, et "en plus il est long"), bien entendu, même si je pense que par bien des côtés il ne sera pas oblitéré avant longtemps. Adam McKay, qui est aussi militant que connaisseur des médias, a tout fait justement pour que le film repose sur des solides bases narratives: une situation claire, une utilisation contrôlée et constamment inventive des sources médiatiques, et une chronologie globalement linéaire, dans laquelle les décrochages sont minimes: des flashes de rappel, ou des montages parallèles qui alternent les causes et leurs effets, pour mieux montrer les mécanismes dialectiques à l'oeuvre...

Car l'essentiel du film repose sur la communication des nouvelles et son exploitation par les corps constitués. Une situation qui permet à McKay de viser juste, sur la présidence Trump d'une part, mais aussi sur une Amérique et une planète désormais engluées dans l'idée préconçue qu'on peut en permanence fabriquer "sa" vérité à sa guise, comme cette présidence girouette qui commence par railler les scientifiques, avant de demander des infos à "ses" scientifiques (qui vont confirmer exactement le diagnostic), mais pas pour établir la vérité, non: pour servir ses intérêts... Puis une fois les deux héros discrédités une fois de plus en public, la présidence va utiliser l'expression "don't look up", en réaction à l'injonction classique de la science-fiction: n'écoutez pas ces alarmistes, ils racontent n'importe quoi. Les meetings présidentiels dans le film sont troublants de par leur ressemblance avec la campagne Trump. 

Les personnages sont brillants, dans la mesure où le dosage entre caricature et reflet de la réalité est rendu si facile par la situation dans laquelle se trouve le monde, finalement... Il y a vingt ans, on aurait pu râler devant cette présidente qui se réfugie en permanence dans la grossièreté et la bêtise, qui se fait repérer à envoyer des textos avec photos salaces à l'appui, qui réalise que le fait de fumer en public lui donne une image de rebelle auprès des débiles qui par ailleurs votent pour elle, et par dessus le marché elle est flanquée d'un "chief of staff" qui est encore pire qu'elle (imaginez Cyril Hanouna en premier ministre d'Eric Zemmour... ou pas, d'ailleurs, c'est doublement effrayant) et qui n'est autre que son fils... Mais aujourd'hui ça passe tout seul, et pour cause! Sinon, les autres personnages, notamment les deux principaux, évitent en permanence le piège de n'être que des minables dans un jeu de massacre: on les aime bien, y compris quand ils se fourvoient...

Logique, riche, avec suffisamment de matière pour qu'on puisse y retrouver notre monde (futilité des médias, atrocité de la musique, incarnée par Ariana Grande qui joue avec gourmandise une chanteuse écervelée richissime au QI de moule, omniprésence des réseaux sociaux, promptitude de l'Américain moyen à tout questionner, politique corrompue, businessmen érigés en consciences par dessus les services publics et les scientifiques, et sondages comme seule marche à suivre), le film est formidablement interprété par un casting de luxe: Leonardo di Caprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Tomer Sisley, Jonah Hill, Melanie Lynskey, Timothée Chalamet, Cate Blanchett, Ron Perlman ou encore Himesh Patel... C'est curieux, il fut un temps où les castings de luxe étaient réservés aux films commémoratifs (The longest day, par exemple)... Plus maintenant: un conseil, quand vous voyez un film, même rigolo, avec 25 stars dedans, c'est qu'il y a probablement quelque chose qui ne tourne pas rond, du tout, du tout, du tout...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Science-fiction