Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

21 décembre 2021 2 21 /12 /décembre /2021 08:04

En Forêt Noire, l'historien Français Michel Boissard a été invité à se rendre au château du vieux Mathias Desgrez: il espère y trouver de quoi alimenter son prochain livre qui sera consacré à une affaire vieille de plusieurs siècles, concernant une histoire de sorcellerie ayant coûté la vie à une ancêtre de son épouse, la frêle Marie D'Aubray. Mathias Desgrez étant lui-même obsédé par cette intrigue, se réjouit d'avance de rencontrer une descendante de la supposée sorcière que son aïeul avait dénoncé... Pour l'occasion, la famille Desgrez est rassemblée: son neveu Mark, l'avocat en peine d'argent et son épouse Lucy que Mathias déteste, Stephane, le vendeur de voiture en mal de succès, qui est prié de passer le séjour sans jamais voir son oncle qui le hait, et les amis (un étrange médecin radié de l'ordre, le dr Herrmann) et domestiques... 

Comme tout le monde est rassemblé, fatalement, il y a un mort, selon le théorème d'Hercule: on retrouve le vieux Mathias au matin, terrassé. Ce qui arrange bien les affaires de sa famille, bien entendu. Mais le mystère e tarde pas: d'une part, s'agit-il d'un meurtre? Mark est bien pressé d'en finir avec les formalités, et pas grand monde ne semble vraiment concevoir de tristesse... Et si meurtre il y a eu, qui est cette femme qu'on a vue lui porter sa collation du soir, dont le verre qui s'avèrera contenir des traces d'arsenic?

Le titre nous est explicité dès le départ: la chambre ardente est un type de tribunal qui a officié dans des affaires de sorcellerie au XVIIe siècle, et qui est justement celui qui a condamné la marquise de Brinvilliers à la décapitation suivie de barbecue...

Autant le dire tout de suite: même si dès la fin du premier acte, un ou plutôt des coupables se dénoncent, ça restera compliqué, et tout le monde va s'épuiser la santé à essayer d'y comprendre quoi que ce soit. S'il a soigné son film, Duvivier s'est beaucoup plus intéressé à ses personnages et à leurs rapports entre eux, qu'à une intrigue de roman policier assez classique. Il a d'ailleurs convoqué quelques jeunes loups de la nouvelle vague pour l'interprétation: Mark, c'est Brialy, qui est étonnant (c'est à dire, pour une fois, bon) en jeune avocat trop sérieux qui cache une crapuleuse aventure sentimentale; Stephane est interprété par Claude Rich, toujours à l'aise quel que soit le contexte; et Marie d'Aubray, la frêle et névrotique marquise à l'héritage trop lourd à porter, aura les traits illuminés d'Edith Scob... On trouve également Antoine Balpêtré, Antoine Duvallès ou Helena Manson pour faire bonne mesure, et on sera surpris de croiser Claude Piéplu en inspecteur fine mouche...

Duvivier ne choisit pas de privilégier un point de vue, ni de désigner un héros en titre: Mathias meurt bien vite, le Dr Herrmann m'a tout l'air d'un vieux maniaque probablement un rien libidineux, l'historien est d'un vulgaire assumé et les deux frères sont d'abominables fripouilles obsédées par l'argent du vieux Mathias... Reste Marie, qui éclaire le film d'une interprétation fantastique, ce que Duvivier rend possible en multipliant les scènes de brume, les poursuites angoissées dans la forêt, et une magistrale scène de meurtre aux relents trop bizarres pour être honnête... Et de toute façon, sa cible, ce sont ces braves gens, ces sales types pleins de sales idées qui s'agitent comme des pantins devant nous. Car à la fin de sa carrière, le moins qu'on puisse dire, c'est que la noirceur légendaire du cinéaste était loin de s'arranger! Reste une oeuvre qui est un jeu de massacre stimulant par ses failles même: le genre de trous béants dans le script qui a du faire tiquer plus d'un commentateur, mais qui, bizarrement, donne de la classe au film... Et je ne parle pas de "qui a tué", vous verrez qu'il y a plus intéressant.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier Noir Comédie