Sur la Côte d'Opale, entre champs, hameaux, mer et dunes, nous suivons un homme (David Dewaele), un vagabond selon les standards de la société. Il est, plus ou moins, redresseur de torts, et doté de pouvoirs surnaturels, dont il n'use qu'à bon escient. Un ange?
...Alors c'est un ange exterminateur: quand son amie (Alexandra Lematre), dont nous ne connaîtrons pas le nom, se plaint de son beau-père et de ses mains baladeuses, le héros prend un fusil et le tue: motivé par une morale supérieure, sans un mot de trop, il règle la justice à sa façon... Pour la jeune femme, c'est son amoureux, mais lui se refuse à elle, et l'encourage à une sorte de méditation vis-à-vis des éléments...
Difficile de résumer un film dans lequel Dumont, une fois de plus, se refuse à toute explication satisfaisante, et joue avec les codes de la religion, mais pas seulement: car si ce héros sans nom, qui semble traquer le mal pour l'extirper des êtres et de la communauté (d'où l'expression apportée dans le titre, "Hors Satan", qui confirme au moins qu'on est face à une sorte d'exorciste), semble bien prier dans la première scène, et apprend ce geste de joindre les mains en creuset comme pour prendre une offrande, il le fait non pas devant un autel ou une croix, ou quelque divinité que ce soit, mais bien devant le soleil, ou parfois devant la nature.
Et s'il se refuse à coucher avec la jeune compagne de ses instants de tranquillité, c'est aussi parce que pour lui, le rapprochement physique semble être une transmission phénoménale d'énergie, comme en témoigne l'unique scène de sexualité typique du cinéaste dans le film: pas de préliminaire, naturaliste, à la limite de la bestialité, et... se finissant par un échange inattendu de fluides, comme si la routarde un peu brute de décoffrage avec laquelle il s'accouple était libérée d'un seul coup d'un démon...
La présence d'une morale au-dessus des hommes, la peinture d'un monde en pleine survie malgré le XXIe siècle, la sexualité comme dernier recours avant la folie, des acteurs taiseux et gauche, aux trognes volontiers dures: ce film intransigeant résonne comme une sorte de résumé parfait de l'oeuvre de Dumont; c'est aussi l'un des plus remarquables, esthétiquement, et l'un des plus beaux. Un film qui une fois de plus vous poussera à vous faire votre propre opinion, quelque part entre un dévoiement de la religion, retournée vers la nature, ou l'affirmation ironique d'un paganisme triomphal...