Caroline (Isabelle Carré) était aux Baléares quand elle a appris la nouvelle: sa maman, qui l'avait élevée seule et dont elle était très éloignée, est morte, comme ça, d'un coup. Et il lui a fallu se rendre chez elle, dans la Montagne Noire, dans l'Aude, où elle n'a jamais mis les pieds, pour assister aux obsèques et expédier les affaires: vendre la maison, gérer l'héritage et passer à autre chose. Mais sur place, elle va être confrontée à un certain nombre de contretemps: pour commencer, le corps, une fois qu'elle l'aura vu, aura disparu; ensuite, il y a toute une faune dans et autour de la maison, des amis de la famille, des ouvriers qui s'affairent entre deux plongeons dans la piscine; l'amie de sa mère, Pattie (Karin Viard) est son opposée en tous points et passe son temps à déballer ses histoires de sexe avec une franchise étonnante (alors que Caroline est privée de désir, et abstinente depuis longtemps), un mystérieux visiteur (André Dussolier) va se présenter comme étant «ami de Zaza (la mère) et un écrivain célèbre» vient s'installer dans la maison, et Caroline se découvre une attirance singulière pour le très jeune fils de Pattie... Bref, l'échappée qui devait durer 48 heures, va se prolonger, et le séjour va chambouler l'existence de Caroline...
Le titre se concentre sur Pattie, le personnage de Karin Viard, et d'ailleurs cette dernière et pour beaucoup dans les qualités du film, ce côté provocateur d'une femme qui vit sa vie et sa sexualité en symbiose parfaite avec son environnement, et qui, pardonnez-moi l'expression, appelle constamment un chat une chatte! Ce n'est pas la première fois que les Larrieu se reposent sur la sportivité et l'abattage de l'actrice, et c'est un régal de l'entendre raconter en termes classés X des aventures salaces. Mais de fait elle reste un personnage secondaire, de luxe! Comme Dussolier, qui joue sans doute le premier rôle de potentiel nécrophile de sa distinguée carrière, comme Sergi Lopez qui lui interprète le mari de Caroline, avec lequel elle tente de maintenir le contact téléphonique malgré des moyens techniques défaillants. L'enquête, pour disparition de cadavre et soupçon de nécrophagie, voire nécrophilie (!) va elle aussi passer au second plan.
Car ce ui va compter dans cette étrange comédie, c'est le changement offert par les circonstances. Alors d'emblée, est-ce à cause de la canicule chronique qui endommage mes circuits, est-ce parce que des indices nous y conduisent, quoi qu'il en soit j'ai pensé devant ce film avec un étrange crime sans véritable issue, à The Canterbury Tale de Michael Powell, et cette halte inattendue, ressentie comme un profond bouleversement par des personnages qui n'attendaient pas mieux. Stressée, éloignée de l'essentiel, sans véritable attache (elle vit avec un mari aimant, ils ont deux enfants ensemble et elle n'a pas encore été foutue d'intégrer qu'il est Catalan et non Espagnol, un détail qui revient plusieurs fois dans des conversations qui ressemblent à des dialogues de sourds. Et en venant chez sa défunte mère pour le première fois, Caroline va pour la première fois, semble-t-il, s'ouvrir à la possibilité qu'elle ait un père!
Le film recourt, à sa façon bien sûr, à la mythologie, à travers un certain nombre d'éléments. Si je ne sais que faire de la référence au tarot (le titre du film est partie intégrante de l'intrigue c'est le titre d'un livre que la mère souhaitait écrire en hommage au personnage de bonne vivante qu'était sa voisine et amie: 21, c'est le plus fort atout du tarot, pour ceux qui ne la savent pas), en revanche, on trouvera dans le film un archer à demi-nu, au moins une créature mystérieuse dont nous ne verrons que la silhouette, au bord d'une cascade enchanteresse, un faune (voire un satyre), incarné par Denis Lavant et une diction hilarante, et une nature constamment en fête, qui invite avec autorité Caroline à tout reconsidérer. Le voyage, pour elle, va la ramener vers sa mère en la poussant à adopter son point de vue, et bien sûr c'est Pattie et sa sexualité débridée qui vont montrer le chemin... Et le tout commencera par un sacrifice d'animal, un chevreuil percuté par une voiture: Caroline l'appellera «une biche», mais c'est un mâle; quand je vous dis qu'elle est en pleine confusion! Mais dans cette escapade imposée, Caroline va apprendre à aller vers l'autre, se laisser aller enfin. Et le film va d'ailleurs, dans sa forme même, intégrer cette ouverture, en passant du format 1:33:1, plus resserré, à un écran plus large enfin, une fois qu'elle aura accepté de s'ouvrir...
Ce qui aurait pu être un fourre-tout devient une halte bienvenue, arrosée, drôle et touchante, dans un pays à part, qui n'a pas l'air vrai de prime abord. Mais il l'est.