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1 juillet 2022 5 01 /07 /juillet /2022 16:41

Harper Marlowe (Jessie Buckley) vient de subir deux expériences traumatisantes: une rupture compliquée avec James, son mari, qui a très mal pris la chose, puis sa défenestration alors qu'il lui faisait un chantage au suicide... Pour se reconstruire, elle a réservé deux semaines dans un manoir éloigné de Londres, en pleine campagne. Un endroit où rien ne peut lui arriver... Sauf que très rapidement, elle va être confrontée à un déferlement d'ennuis, de danger et de rappels de sa situation: d'abord, lors d'une promenade, elle rencontre un homme nu... Puis elle se rend compte qu'il est dans la propriété, et qu'il l'espionne, toujours totalement nu, depuis la terrasse. Elle fait appel à la police, mais le vagabond sera relâché. Puis un pasteur avec lequel elle discute lui fait comprendre que son traumatisme est entièrement de sa faute, et qu'elle est responsable de la mort de son mari violent ("vous savez, les hommes, des fois, frappent les femmes, c'est dans l'ordre des choses"). Enfin, après avoir tenté une sortie au pub, elle constate que l'ensemble des hommes du conté en a après elle, et la situation prend une tournure surnaturelle...

Alex Garland, dès ses deux premiers longs métrages (Ex Machina et Annihilation) refusait déjà la facilité, et construisait sa narration de façon linéaire, en infusant les parcours de flash-backs pertinents (Annihilation) ou pas (Ex Machina). Il prenait le soin d'installer une certaine lenteur, poussant le spectateur à se tenir prêt. Il n'aime pas, c'est manifeste, les effets faciles de jump-scare (tout faire pour vous faire sursauter), mais va plutôt vers, d'une part, l'installation d'une atmosphère angoissante dans toute sa logique, fut-elle tortueuse (et ici, elle l'est), et bien sûr des scènes dans lesquelles il pousse la dite logique dans ses derniers retranchements, y compris si c'est visuellement très dur. Ainsi une scène qui voit Harper planter un couteau de cuisine dans un bras qui s'est introduit par une fente dans la porte (destinée au courrier): cette main ensuite se retire, entraînant le tranchage du bras dans le sens de la longueur, jusqu'aux doigts. 

Et là, forcément, on sent bien qu'il y a une forte thématique sexuelle, même si la sexualité en tant que telle fait tout pour être absente de l'intrigue: Harper a d'autres chats à fouetter, fatalement, mais pas les multiples stalkers et assimilés: disons-le tout de suite, ils sont certes plusieurs, mais ils ne font qu'un puisque le choix de Garland a été de confier tous les rôles d'homme à un seul acteur, souvent méconnaissable: Rory Kinnear. Une similarité malgré tout entre les visages subsiste, qui sert le propos. Le seul autre homme aperçu est donc Paapa Assiedu qui joue le rôle de James. Donc dans le film, non seulement il est question de l'introduction d'un bras dans une fente, mais il y a aussi un tunnel, dans lequel s'engage Harper juste avant que les ennuis ne commencent... 

Et ce film d'horreur, situé en pleine campagne du Sud de l'Angleterre (c'est d'ailleurs très beau), se pare très vite des habits du folk tale, faisant aussi bien penser à The Wicker man, qu'à Midsommar d'Ari Aster. On pourrait même fredonner à l'occasion les chansons Green man, d'XTC, ou Folklore, de Big Big Train, ce serait totalement dans le ton d'une sorte de revanche venue du fonds des âges, d'une masculinité glorifiée par la nature: une sorte de crise durant laquelle, face à un jury constitué uniquement d'hommes, et pas des plus fins, Harper doit de toute façon payer pour son crime vis-à-vis de la communauté: car d'une part rompre est ici une offense faite à l'homme, et en offenser un, c'est tous les offenser... Je ne sais pas si ce film est un film d'horreur, après tout, ou une sorte de voyage psychologique au pays d'un deuil impossible à faire. En tout cas c'est manifestement féministe, glorieusement, et pas sans humour! 

 

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Published by François Massarelli - dans Alex Garland Mettons-nous tous tout nus