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10 juillet 2022 7 10 /07 /juillet /2022 09:13

Linnea, dite Bella Cherry (Sofia Kappel), est une jeune Suédoise déterminée à réussir dans l'industrie pornographique Américaine; sitôt émigrée, direction Los Angeles où elle va tout faire pour devenir une star dans la voie qu'elle s'est choisie. Mais il va lui falloir composer avec un élément qu'elle n'avait pas prévu: le porno, c'est tout sauf... du plaisir.

Pourtant, le titre est justifié par la toute première scène, lorsque la novice débarque et qu'un agent de l'immigration lui demande si elle est venue pour raisons professionnelles ou par plaisir, elle répond... "Pleasure". A partir de là, son parcours va être assez classique: un premier agent, un premier bout d'essai prometteur, des copines bienveillantes, puis les premiers écueils: il y a manifestement une hiérarchie dans la pornographie, et pour une jeune femme ambitieuse, il n'y a de place que si on montre qu'on est prête à tout faire, tout subir, tout encaisser.

Et c'est là que le film, illustration du monde de la pornographie, se distingue de tous ceux qui l'ont précédé: Boogie nights, notamment, réussissait à envelopper la pornographie d'une sorte de bulle nostalgique, et cédait de loin à la démonstration suggestive. Pleasure en revanche va droit au but de l'explicite, en montrant mais de trop près pour que ce soit vraiment confortable, et si la nudité masculine abonde, la nudité féminine est souvent partielle et protégée par la caméra. Car ici, c'est d'une part l'expérience d'un point de vue féminin au pays du "male gaze", et d'autre part chaque expérience sexuelle tarifée et/ou filmée, devient une sale expérience, un monument d'inconfort, et plus on monte les échelons, pire c'est.

Ninja Thyberg a tenu à son sujet, d'autant que c'est la deuxième fois qu'elle le filme: la première fois, c'était pour un court métrage du même titre. Mais cette fois-ci le film repose sur les épaules de Sofia Kappel, une jeune actrice dont c'est le premier rôle, et forcément ça pose question, dans la mesure où pour un premier rôle, elle doit subir beaucoup de choses. Mais c'est intelligemment fait et si le personnage subit une descente aux enfers, pas l'actrice, c'est évident. La façon dont la réalisatrice (qui a fait appel à des professionnels du genre, pourtant) décrit la pornographie est sans ambiguité: elle est fascinée, mais ne trouve aucune excuse à l'objectification des femmes, la standardisation de la sexualité, le conservatisme, le sexisme, le racisme inhérent au domaine.

Et elle montre que ça reste, y compris quand la 'star' s'est faite toute seule, y compris quand une réalisatrice est aux commandes, un domaine mené par les hommes où les femmes sont appelées à souffrir, comme dans une scène abominable où Bella, venue pour un tournage dont elle savait qu'il allait lui demander des sacrifices, se retrouve entre les mains de deux types adorables entre les prises, mais qui la brutalisent, l'humilient et la poussent finalement dans la position d'une femme violée. Elle voudra raconter la chose à un agent, qui lui dira "attention aux grands mots"...

Conçu sur le mode strict d'une descente aux enfers, le film s'accompagne, hélas, des codes esthétiques du porno (photo flashy, rap de la pire espèce à fond les basses, non-vêtements supposés sexy de la pire vulgarité), se situe dans le monde si répugnant et décérébré de 2022 (un petit selfie après la double pénétration?) parachevant l'inévitable confusion entretenue par Ninja Thyberg entre son réquisitoire et l'objet de sa fascination. 

 

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Published by François Massarelli - dans Zizi Panpan Mettons-nous tous tout nus