1924, à Moscou, l'ingénieur Los travaille à un grand projet, et rêve un peu trop... Quand il capte, comme la terre entière, un mystérieux message (Anta, Odeli, Uta) sur les ondes, il est persuadé que c'est Mars qui nous contacte... Entre deux crises de jalousie conjugale et autres péripéties, il conçoit une idée folle: aller sur Mars pour retrouver la Reine Aelita, dont il a rêvé...
On ne va pas y aller avec le dos de la cuiller, ce film, l'un des tout premiers à traiter un sujet qu'on qualifiera de science-fiction, est unique. Deux ans avant Metropolis, diront les tenants de la bouteille à moitié pleine. Oui, mais sans les moyens hallucinants de Fritz Lang et de la UFA, diront les autres... Réussir à mêler une histoire de lutte des classes et une intrigue de révolte sur Mars, un mélodrame qu'on n'ose pas qualifier de bourgeois, et un voyage interplanétaire...
Protazanov adaptait à la demande du studio (privé) Mejrapbom un roman prétexte d'Alexis Tolstoï (un cousin de l'autre), afin de fournir de l'évasion aux masses inquiètes. Si Protazanov, qui était parti en exil en 1917, est rentré en Union Soviétique et a accepté de travailler pour les studios locaux, et si le script fait tout son possible pour intégrer la nouvelle donne (un sale type est un pur capitaliste, un policier a des méthodes qui en font un fasciste de la pire espèce, et un soldat désoeuvré brûle d'exporter la Révolution sur Mars), le réalisateur fait quand même passer en sous-main une vision un peu moins glorieuse, avec ces appartements bondés dans lesquels toute intimité familiale est bannie, et une société qui reste quand même à plusieurs strates. Par-dessus le marché, il montre aussi la nostalgie des années d'avant lors de scènes de comédie...
Mais rien ne peut nous préparer à l'hallucinant design des costumes sur Mars, au jeu indéniablement affreux des acteurs et actrices qui doivent incarner les extra-terrestres. Et c'est, au milieu d'une joyeuse absurdité et de quelques bribes du savoir-faire évident de son metteur en scène, ce qui plombe sérieusement le film. Comme quoi on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la kolkhozienne.