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18 octobre 2022 2 18 /10 /octobre /2022 18:03

Josef (Paul Lukas), le valet d’un prince très séducteur (Nils Asther), finit par décider de tenter sa chance comme son maître, en se faisant à son tour passer pour un noble. Il tombe amoureux d’une comtesse(Elissa Landi), sans savoir qu’elle est en réalité la femme de chambre d’une famille noble…

Sorti la dernière année de l’époque dite « pré-code », ce film de James Whale est surprenant à plus d’un titre, d’abord bien sûr dans le fait que son auteur est aujourd’hui surtout connu pour ses quatre films fantastiques (Frankenstein, The invisible man, Bride of Frankenstein) ou gothiques (The old dark house) alors que son œuvre est d’une plus grande richesse, pour l’instant largement ignorée; mais aussi, Whale s’y livre à une refonte personnelle de la comédie, selon des codes qui lui sont propres et qui vont à l’encontre, par exemple, de ceux d’un Lubitsch…

Mon choix de Lubitsch n’a rien d’u hasard : c’est que le héros du film, le valet d’un prince qui admire tellement son patron qu’il lui pique sa technique de séduction, qu’il note et répète en s’entrainant devant le miroir, nous fait penser que Lubitsch se serait plu à imaginer la même histoire, vue du point de vue du prince, justement. Et le prince aurait pu, certainement, prendre la place de son valet. Ce genre d’étude des strates de la société, du point de vue du populaire comique Berlinois qu’avait été Lubitsch, n’est pas du même genre après tout que ce que Whale en fait, lui qui s’intéresse d’abord à l’admiration inconditionnelle de Josef pour son maître.

Il va aussi plus loin, car quand le Prince rentre à l'improviste et surprend une conversation entre Josef et Marie, cette dernière appelant le majordome Prince, il se glisse automatiquement dans la peau du valet, et va même effectuer de façon impeccable les mêmes gestes que lui. Une façon de montrer ici que si le valet a observé le maître, le maître lui sait parfaitement imiter son valet, qu'il a forcément observé...

On sait que Whale a « caché » parfois de manière très visible dans son œuvre des allusions à sa sexualité, à commencer par le rapport curieux qui s’établissait par exemple entre Ernest Thesiger et Colin Clive dans Bride of Frankenstein. Dans ce film, on pourrait se livrer à une lecture asse intéressante de la fascination exercée par Nils Asther sur son valet; mais ce qui frappe plus, c’est à quel point finalement la mise en scène de la frustration du valet qui se prend pour le maître, et tombe amoureux d’une femme qui est exactement comme lui, une dissimulatrice et une menteuse, est moderne!

Et Whale utilise son élégante mise en espace en s’amusant à semer le doute, le mystère, passant au début du temps à nous faire nous interroger sur la véritable identité de ce dandy, qui s’avèrera au final être un domestique. Lorsque nous découvrons quelques séquences plus loin la fausse comtesse, elle aussi seule dans un boudoir où elle prend ses aises, nous comprendrons qu’elle est en fait, elle aussi une domestique. La mise en scène de Whale, qui utilise (d’ailleurs c’est parfois irritant) un contrepoint musical permanent, mène finalement aux mêmes conclusions que Lubitsch, mais avec des moyens bien différents : un homme est un homme et une femme est une femme. Paul Lukas est exceptionnel, Elissa Landi est assez à l’aise dans la comédie, et les personnages sont attachants: le film est une joyeuse bulle d’euphorie dans une oeuvre inquiète…

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Published by François Massarelli - dans Comédie James Whale Pre-code