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2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 10:59

Suite à une idée scientifique à côté de la plaque (un émission de gaz pour prévenir le réchauffement climatique, ayant résulté en une glaciation complètement hors de proportion), ce qui reste de l'humanité vit en permanence dans un train qui ne s'arrête jamais, car l'arrêt provoquerait une congélation immédiate... Le train est dominé par l'ingénieur Wilford, à la tête d'une organisation qui tente de maintenir l'ordre, et surtout, la démographie! Mais les wagons sont aussi organisés en couches sociales: en tête, les puissants, et Wilford est le premier d'entre eux; en queue de train, les plus pauvres, qui ont tous une volonté de changer les choses, surtout Gilliam, un ancien ami de Wilford, et Curtis, un grand gaillard déterminé à tenter le tout pour le tout... le jour venu.

La bande dessinée de Rochette, Lob et Legrand, Le Transperceneige, parue dans les années 80, faisait la part belle à la création d'un monde post-apocalyptique, qui appelait le cinéma. Mais c'est à l'initiative de Bong Joon-ho que le film s'est fait, le réalisateur étant plus ou moins déterminé... à tout tenter! Il a donc choisi une distribution internationale, mais principalement Anglo-saxonne (Chris Evans, Jamie Bell, John Hurt, Ed Harris, Octavia Spencer ou encore Tilda Swinton) avec deux acteurs qui reviennent de sa filmographie: Song Kang-ho, déjà présent dans Memories of muder et The host, interprète ici un agent de sécurité enfermé pour sa réputation de toxicomane, et que la "résistance" aimerait embaucher pour sa connaissance des systèmes de sécurité qui séparent les strates sociales, et donc les wagons du train immense...  l'autre est une actrice, la jeune Go Ah-sung, qui interprétait la jeune captive de The Host... Elle est la fille du précédent, un personnage lunaire qui en rappelle d'autres (The host, Barking dogs never bite, Mother, Memories of murder...).

C'est donc, on l'aura compris, un film entièrement situé dans l'espace clos d'un train. On a vu The lady vanishes, de Hitchcock, et Murder on the Orient-Express, de Lumet, et on ne s'étonnera donc pas que ce soit finalement aussi facile pour le spectateur de se glisser dans la narration; Lumet avait bien montré la notion de cohabitation des strates de la société dans un train, ce que ce film étend de manière considérable puisque le train EST la société... Et Hitchcock soulignait en permanence et avec génie (dans ce qui reste un de ses meilleurs films) la difficulté physique amenée par le fait d'être, justement, dans un train!

Bong Joon-ho nous met constamment en tête cette idée: nous sommes dans un train, donc il y a des contraintes, d'espace, de confort principalement... Il y a aussi un dehors, qui est dans un premier temps un univers nocturne et hostile, réservé uniquement aux spectateurs dans des plans (en 3D infographique) qui situent le train roulant à tombeau ouvert dans la nuit extrêmement froide; mais les personnages auront une révélation quand les "résistants" s'avanceront dans le train, vers l'avant, et de retrouveront face à des fenêtres... Un moment d'une grande beauté. Mais, cible de toutes les peurs (il fait très, très froid dehors, nous dit-on), et de toutes les convoitises (oui, mais... on irait bien quand même), le "dehors" devient en fait la clé du film...

Le réalisateur fait feu de tout bois: il utilise son environnement avec génie, se joue des contraintes linguistiques pour créer parfois des gags avec le personnage plus que bourru, mais pas exempt de mystères, joué par Song Kang-ho; il a réussi quelque chose ici d'impressionnant avec la création de toutes pièces d'un mode graphique, qui est tangible, et qui débouche sur du baroque absolu... D'ailleurs plus proche de l'univers de la SF des années 80, que des styles plus contemporains. Mais surtout il reste un maître de la précision extrême, que ce soit pour des scènes de bagarre ou de chaos, sans jamais se départir d'une impressionnante ironie mordante voire burlesque: Tilda Swinton, en exécutrice zélée et maniaque des basses besognes (elle est ministre...) l'a parfaitement compris, et Ed Harris joue la partition d'une manière impressionnante.

Sans être une réussite au même titre que ses films précédents (le film reste bavard et basé sur une mythologie dans laquelle il faut un moment pour entrer), c'est une nouvelle preuve de son aisance à se glisser dans un univers, que ce soit pour un drame, un film de monstres, une comédie ou un film policier, sans jamais y perdre son style ou son ton très particulier. Un film empreint aussi bien de son humour que de sa gravité, une prouesse graphique et un film au suspense très présent, véhiculant un univers très, très noir... Décidément, un auteur à suivre...

 

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Published by François Massarelli - dans Bong Joon-Ho Science-fiction