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1952: la famille Fabelman se rend au cinéma, et c'est un grand jour pour Sam, le fils, car ce sera le premier film qu'il ira voir: The greatest show on earth, de Cecil B. DeMille... Il appréhendait cette découverte d'une attraction dont les descriptions (il y a des gens qui sont immenses sur l'écran) mais finalement en sort transfiguré: d'une part il a été fasciné par le spectacle phénoménal offert par l'écran géant, mais aussi il a été ébloui, et peut-être un peu traumatisé, par une scène d'accident mise en scène avec précision, qui met le spectateur au coeur d'un drame... Rentré chez lui, il est décidé à recréer par tous les moyens possibles ce qu'il a vu, avec un train électrique. Ce qui va évidemment causer un certain nombre de malentendus avec son père!
Le second déclic, ce sera lorsque Mitzi (Michelle Williams), sa maman, lui permettra d'immortaliser à son tour un accident de train (électrique, bien sûr) avec une caméra qui appartient à son père Burt (Paul Dano). Désormais, Sam est mordu par le cinéma, et ne s'arrêtera plus de tourner... Jusqu'à l'adolescence, et son cortège de problèmes: parents qui se séparent, antisémitisme ordinaire dans les lycées publics, et bien sûr puberté vont semer des embûches, et Sam (Gabriel LaBelle) oubliera un temps l'art pour lequel il était naturellement doué...
C'est un film intime, le premier de Spielberg qui le soit officiellement, même si nous avons eu de nombreux indices de sa personnalité, mais aussi de l'histoire de sa famille et des complications internes d'un amour à géométrie variable tel que ses parents l'ont vécu. Mais ici, c'est le cinéma qui va non seulement être une révélation, mais permettre aussi paradoxalement à Sam, qui a du génie pour récréer de toutes pièces des fragments de vérité avec des trucs de mise en scène qu'il acquiert sur le tas et sans efforts, de voir la vie telle qu'elle est, notamment l'attirance évidente de sa maman pour le meilleur ami du couple (Seth Rogen).
Un personnage attachant, d'ailleurs, que ce meilleur ami, également employé par Burt Fabelman, et qui lui aussi apporte subliminalement sa pierre à lédifice de l'éducatio cinématographique de Sam Fabelman: quand il fait une petite farce à table, en mettant sous l'assiette de la petite soeur une araignée en réglisse, il la mange ensuite en citant une réplique de Spencer Tracy dans Adam's Rib de George Cukor. Ca ne l'empêchera pas de devenir, pour la famille, l'autre homme, celui par lequel la trahison a eu lieu. N'empêche... le cinéma est donc partout!
Pour Sam, le cinéma c'est d'abord un art qu'il comprend instinctivement, qui va longtemps être un lien fort entre lui et sa mère, avant que sa trahison (ou du moins ce que Sam comprend comme une trahison) n'apparaisse sur l'écran; le septième art pour Sam est aussi le ciment de sa vie de famille, et ça deviendra une sorte de seule préoccupation qui lui ouvrira même les portes d'une certaine reconnaissance... au lycée. Ce sera aussi un sésame pour parler avec un vieil oncle qu'il a peu connu, mais dont le passage l'enrichira humainement et émotionnellement...
Dans l'essence, c'est une autobiographie qui nous est ici montrée, doublée d'un cri d'amour pour le cinéma, qui a la sagesse de ne jamais passer par ce qu'on attendrait; le film, pour commencer, est fermement consacré à l'enfance et l'adolescence d'un jeune homme qui, bien sûr, fera du cinéma son métier, mais on le quittera au pied du mur, et en bonne compagnie; Spielberg a toujours revendiqué l'influence de plusieurs cinéastes, Hitchcock, Curtiz, Capra, Ford, Kubrick et David Lean! Sam Fabelman rencontrera l'un d'entre eux dans une scène sublimement drôle et touchante...
En choisissant de se montrer à travers ce portrait d'un garçon obsédé par le cinéma (nombreuses scènes réjouissantes de tournage et de montage, mais aussi de projections familiales), et son pouvoir (l'une des plus belles images montre le jeune garçon regarder le premier de ses films en le projetant sur ses mains jointes), Spielberg en profite pour réaffirmer son credo d'un art qui recrée la vie, la prolonge voire l'anticipe, un art qui est un prolongement du regard de l'homme, et qui est indissociable de la volonté d'une personne qui prenne en amont les décisions de ce qu'il faut montrer. C'est le sens d'une discussion quasi philosophique entre Sam et un garçon qui a fait usage de la violence sur sa personne: ce dernier ne comprend pas que le jeune homme, dans le film documentaire qu'il a tourné lors d'une sortie de l'école à la plage, l'ait montré en super-héros sportif, accumulant les exploits... Mais si Sam lui dit en gros que "ce n'est pas moi, c'est la caméra", il n'empêche que ce geste de main tendue par le biais du cinéma a sérieusement déstabilisé l'athlète, qui du même coup va s'abstenir de lui taper dessus!
Si le film possède la patte de Spielberg, jusque dans ses moindres recoins, avec toujours ce thème omniprésent du regard (voir et faire voir, c'est le lot conscient ou inconscient de tous les héros du cinéaste), avec ses différents objectifs utilisés avec un savoir-faire impressionnants, et même quelques séquences spectaculaires (y compris pour rire, car s'il y a une tornade, il y a aussi de réjouissants tournages de westerns amateurs ou de films de guerre effectués par des ados), il ne s'y livre à aucune démonstration de virtuosité, préférant privilégier la tendresse poignante de l'évocation familiale, enfin devenue le sujet plein et entier d'un de ses films après avoir été si souvent un thème de contrebande... En faisant ce choix, il évite la déclaration d'amour déplacée et mal foutue de Babylon (oui, je vais le ressortir à chaque fois que c'est possible, celui-ci): on aurait imaginé un tâcheron (Ron Howard, par exemple) qui, racontant la même histoire, se serait vautré dans un montage tire-larmes des plus belles séquences de l'oeuvre avant d'appliquer le mot fin... En lieu et place, Spielberg choisit de terminer sur un gag visuel et subtil, que je ne vais pas raconter ici. Et dans un clin d'oeil riche en interprétations possibles (et basé sur une rencontre historiques), Sam fabelman se fait expliquer le sens de la vie, pardon le secret du cinéma par rien moins que John Ford (David Lynch)...
C'est l'un des plus beaux films du metteur en scène, haut la main. Un film qui vient au quasi terme (même s'il n'en a certainement pas fini) d'une carrière bien remplie, et qui sous couvert d'expliciter le rapport obsessionnel et affectif d'un jeune homme à un art visuel bien spécifique, donne à voir le rapport gourmand d'un garçon avec le monde qu'il pourrait conquérir. Le cinéma devient donc une métaphore de tout ce qui fait tenir l'humain debout...
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