Sandra Voyter (Sandra Hüller) est une autrice à succès, qui reçoit une jeune étudiante (Camille Rutherford) venue pour parler autour d'un projet. Venue de l'étage, la musique à fond les enceintes fera fuit la jeune femme, ce qui était sans doute l'intention: depuis quelques temps le compagnon de Sandra est jaloux... Quand leur fils Daniel (Milo Machado Graner), malvoyant depuis l'âge de quatre ans, revient en comp:agnie de son chien dune promenade en montagne, il découvre que devant la maison, son père est allongé sans vie...
Le film va nous raconter l'enquête, chaotique, et partie tout de suite vers l'antagonisme: l'épouse assure n'être pour rien dans la mort de son mari (tombé, un coup mortel sur la tête), alors que la police, puis la justice, voient s'accumuler les éléments à charge: une dispute violente la veille, que le défunt avait enregistrée à l'insu de Sandra; une incommunicabiilité grandissante entre eux; et la confusion de Daniel qui sait que ça ne va plus entre ses parents, mais qui s'est refusée à croire l'incroyable...
Le film glisse alors vers un procès, dans lequel les parties adverses ont bien du mal à détordre les fils d'une histoire dont rien ne semble former un tout cohérent... Surtout, le film dresse a posteriori le portrait d'une fêlure dans l'histoire de ces deux amants, avec des flash-backs qui sont motivés par les minutes du procès... Les techniques réthoriques et oratoires, la mauvaise humeur coissante de la juge (qui manifeste son agacement d'une façon qui nous fait sentir une conviction personnelle manifeste mais jamais exprimée), la difficulté à faire sens avec les témoignages d'un côté, et les convictions de l'autre, qui évidemment sont aux antipodes les unes des autres: l'avocat en faveur de Sandra, et l'avocat général contre elle...
La solution viendra de celui qui a tout à perdre dans l'histoire, Daniel. On ne verra Samuel, le compagnon décédé, que dans des flash-backs, liés à l'enquête et aux différents témoignages. Comme les westerns d'Anthony Mann, le film a pour toile de fond uneimpressionnante vision de sommets des alpes, en particilier les Aigilles d'Arves, qui jouent un rôle de témoin muet, garant la moralité, d'une cause au-dessus des hommes... Il en ressort une impression de solennité, qui empêche cette histoire de couple qui fond de tomber dans la trivialité...
C'est un film impressionnant, qui donne l'impression qu'il ne sera pas fini tant que ne l'aura pas revu plusieurs fois, pour en attraper tout le sel. Car c'est ce qu'on peut faire avec un film, pas à un procès. "La vérité", comme le disait déjà Clouzot dans le film du même nom, est toujours délicate à percevoir, et elle est question de jugement, d'interprétation, d'une subtil mélange entre empathie, pitié, implacabilité et ouverture d'esprit, le tout bien secoué... Mais maintenant, admettons quand même que le film ne parle pas tant du procès, et de la difficile quête de la vérité (qui ne me semble pas résolue à la fin), que de la désintégration d'un couple...