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2 janvier 2024 2 02 /01 /janvier /2024 13:50

Pour son cinquième long métrage, David Lean prend définitvement son indépendance de l'ombre de Noël Coward, auteur des quatre arguments, certains adaptés directement de ses pièces de théâtre... Exit donc Coward, et bonjour Charles Dickens, pour la première de deux adaptations de son oeuvre, pour lesquelles Lean est épaulé à la production par ses partenaires Anthony Havelock-Allan et Ronald Neame... 

Un garçon, Philip Pirrip (Tony Wager), qui a perdu ses deux parents (il vit avec sa soeur qui est une vraie brute), fait l'inquiétante rencontre d'un bagnard évadé (Finlay Currie), qui l'oblige à le nourrir et lui amène une lime. Il va ensuite faire une autre rencontre, en se rendant chez une excentrique voisine, Miss Havisham, qui vit dans son passé... Aux côtés de la vielle dame, Estella (Jean Simmons) est une étonnante jeune fille qui va en dépit de sa cruauté fasciner le jeune homme... Devenu apprenti chez un notaire, Pip (John Mills) va recroiser Estella (Valerie Hobson), et retrouver la trace du bagnard...

Dès le début, avec ces scènes de brouillard impressionnantes sur les landes parcourues par le jeune héros, on sent que Lean a su à la fois traduire Dickens en images, en étant aussi proche que possible de l'esprit de son oeuvre, et s'approprier un univers de drame et de mélodrame dans lequel il va s'attacher aux pas de son jeune héros, qui rejoint les amants maudits de Brief encounter, car comme eux, "Pip" est aussi bien narrateur que sujet de son récit, candide dans une histoire qui souvent le dépasse, et enfin aussi riche en possibilités que tansparents. Les héros de Lean sont souvent ainsi, présents à l'écran mais à peine palpables dans leur vérité. Impossible à réduire à des clichés tout en étant parfaitement adaptés à leurs circonstances: Alec Guiness dans Bridge on the river Kwai, et les personnages principaux de Lawrence of Arabia ou Dr Zhivago ne seront pas autre chose... Sans parler des héros de A passage to India, qui se croiseront à l'écran, mais seront tous des victimes des préjugés d'une époque, dans laquelle ils ne pouvaient ni être compris ni surtout se comprendre... Il est coutumier pour les personnages de lean d'être furieusement à l'écart. Et pour Pip, qui va sans comprendre faire un héritage venu de nulle part, et évoluer dans un monde qu'il n'est pas taillé pour comprendre, c'est bien de ça qu'il s'agit... Les deux actes fondateurs de sa vie ont longtemps été d'une part l'aide apportée à Abel Magwitch, et la rencontre avec Miss Havisham et Estella. Qu'il ait imaginé que c'était le deuxième de ces actes qui l'aient rendu riche, est normal, mais il en a fait presque une carte d'identité. Et pourtant il a tort sur toute la ligne...

Avec Dickens pourtant en apparence, le metteur en scène s'assure une tranquille place au soleil du box-office, en faisant mine, finalement, de se contenter d'une modeste mais impeccable adaptation d'un roman emblématique (l'un des plus riches en possibilités) dont il s'amuse à peupler l'intrigue bien connue de caractérisations uniformément savoureuses, à l'écart de la normalisation Hollywoodienne en vogue (notamment à la MGM): Finlay Currie en bagnard évadé est inquiétant à souhait, Bernard Miles, interprétant le beau-frère Joe Gargery, prête sa bonhomie et son accent si typique, et Martita Hunt campe Miss Havisham avec un certain génie, en se vieillissant à loisir... L'odysée de Pip est décidément un fascinant voyage au coeur d'une Angleterre qui ne demande qu'à déraper vers ses propres légendes. Et en se servant de Dickens, le réalisateur s'approprie avec gourmandise un univers visuel qu'il va traduire en toute beauté, dans un noir et blanc sublime, généralement nocturne, qui rend justice à l'époque de l'intrigue en évoquant les gravures des éditions illustrées de l'oeuvre d Dickens.

Enfin, n'oublions pas d'évoquer l'arrivée dans l'univers de David Lean d'un jeune acteur de génie, qui à 32 ans était déjà un vétéran du théâtre, mais allait faire encore mieux, et souvent avec Lean (6 films en comptant celui-ci), au point de devenir presque incontournable, que ce soit pour incarner un gradé Britannique (Kwai)... ou un vieux sage indien (A passage to India): Alec Guiness allait vraiment faire parler de lui.

 

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Published by François Massarelli - dans David Lean