Mark Renton (Ewan McGregor), dit Rent-Boy, nous raconte sa vie à Edimburgh, entre les copains et l'héroïne... Avec Spud (Ewen Bremner), Sick Boy (Johnny Lee Miller), Tommy (Tommy McKenzie) et Francis Begbie (Robert Carlisle), plus âgé, et sans doute plus irresponsable que tous les autres, ils font des bêtises, pour ne pas dire de grosses conneries, et sinon, eh bien... Ils vivent, survivent tant bien que mal, et tentent de concilier cette paradoxale quête du rien avec l'hébitude dangereuse et coûteuse, alimentée par de fréquentes visites de Mother Superior (Peter Mullan), le dealer attitré des trois junkies, Sick boy, Spud et Rent-Boy...
Quand je dis qu'il nous raconte sa vie, ce n'est pas un vain mot. Car dans cette histoire toute en illustrations, digressions et dérapages, Renton sait parfaitement qu'il nous raconte toutes ces horreurs, sublimes ou ridicules, hilarantes ou écoeurantes, selon les cas: d'un drap rempli de diarhée, à la mort immonde d'un bébé, des exploits sexuels de Rent-Boy (avec Diane, une mineure interprétée par Kelly McDonald) à un passage autour de, je cite, les toilettes les plus sales de toute l'Ecosse (un fait souligné par un texte qui apparaît à l'écran. Ce film est un peu un enfant de la méthode Scorsese, celle qui est à l'oeuvre dans Goodfellas, Casino et The wolf of Wall Street), dans laquelle on donne à un anti-héros la possibilité de narrer sa propre odyssée délirante... Mais le film semble aussi un descendant tordu de la méthode Ken Loach, qui a toujours cru en un certain naturalisme (et dont Robert Carlisle est justement un des acteurs fétiches). Car bien des aspects ici renvoient à cette forme particulière de cinéma proche d'une peinture de la vérité, des accents et du lexique Ecossais, aux événements toujours plus ou moins exagérés, en passant par la narration, bien sûr mais aussi l'exagération permanente du point de vue des junkies en plein trip. Le film passe son temps à dynamiter le réalisme et le naturalisme de ce qu'il raconte (qui vient d'ailleurs d'un livre, Trainspotting d'Irvine Welsh), comme pour souligner à quel point l'héroïne détruit tout sur son passage...
Comment les conservateurs de l'époque ont pu imaginer un seul instant que ce film souvent jouissif mais aussi très dur derrière la politesse punk de son humour féroce, puisse être un plaidoyer en faveur des drogues dures, me surprend toujours. Certes, il n'a pas que des qualités, il est même souvent brut de décoffrage, un peu approximatif, et le jeu est plus qu'outré en permanence. Mais justement, il assume tout, tout comme il assume une bande-son totalement appropriée, qui nous rappelle le parcours d'un fléau qui commence dans les années 70 (Iggy Pop, très présent, mais aussi Lou Reed) pour aller jusqu'aux années 90, à travers la techno, voire une apparition musicale de Blur...Le film garde intacte une cohérence vitale, une énergie fantastique, qui reste totalement fraîche près de trente années plus tard.