Trois histoires font intervenir les mêmes acteurs dans des rôles différents:
The death of R.M.F.: Robert (Jesse Plemons) a laissé son patron Raymond (Willem Dafoe) lui dicter absolument tout de sa vie, il s'est marié à celle (Hong Chau) qu'il lui a indiquée, il lit ce qu'il lui dit de lire... et il doit provoquer un accident qui entrainera la mort d'un homme, RMF. Et là, Robert ne veut plus, il reprend donc sa liberté. Mais le peut-il?
R.M.F is flying: Liz (Emma Stone), une biologiste marine, a disparu lors d'une mission. Son mari Daniel, un officier de police (Jesse Plemons) se désespère. Mais quand elle est retrouvée in extremis après avoir survécu tant bien que mal sur une île déserte, il se rend compte qu'il ne la reconnait plus. Il refuse d'admettre que c'est elle et commence à avoir un comportement de plus en plus erratique. Liz, ou celle qui la remplace, décide de rester auprès de son mari coûte que coûte (en dépit de l'avis contraire de son père, Willem Dafoe)...
R.M.F. eats a sandwich: Emily (Emma Stone) et Andrew (Jesse PLemons) sont deux membres actifs d'une secte new age délirante menée par Omi (Willem Dafoe) et Aka (Hong Chau). Elle a du quitter sa famille dont sa fille en bas âge, et ils ont pour mission de trouver l'élue de la secte, une guérisseuse qui peut sauver les gens par l'imposition des mains. Les candidats (dont Hunter Schafer) ne donnent pas grand chose, jusqu'à ce que Rebecca (Margaret Qualley) ne contacte Emily au sujet de sa soeur jumelle Ruth, qui l'aurait ramenée sans le savoir d'entre les morts quelques temps auparavant...
C'est noir, très noir, et on est devant des portraits déformés de notre société plus proches sans doute de l'esprit de The lobster, ou de The Killing of a sacred deer, que du Frankensteinisme revisité de Poor things et de la classe historique en costumes de The favourite. J'émets une hypothèse: Lanthimos a vraiment eu à la fois reconnaissance mondiale et succès solide avec ces deux derniers films, et a sans doute eu envie de retourner au surréalisme et au ton absurde de autres films... Au risque de dérouter le public.
Mais justement, son assise lui a permis de convoquer pour son nouveau film (à la durée extravagante de 2 heures et 44 minutes) des acteurs de premier plan, dont trois si je ne m'abuse reviennent depuis Poor things: Emma Stone, Willem Dafoe et Margaret Qualley (qui elle aussi joue dans les trois parties)... Ces petites histoires jouent en faveur du film, qui se remet en selle deux fois après un démarrage sur ce qui est sans doute l'intrigue la plus aboutie.
Comme d'habitude il sera de bon ton de s'armer d'humour, de beaucoup d'humour même devant les horreurs qui s'accumulent devant nous: échangisme militant (avec une vidéo qui donne lieu à l'une des scènes les plus étranges qui puissent être), prosélytisme sectaire, viol, cannibalisme, manipulation avec chantage affectif, les motifs d'aller fouiller dans les travers psychologiques d'une société ne manquent pas. On regrettera, c'est mon cas, que le morcelement en trois intrigues nous fasse perdre l'exceptionnelle cohérence des univers des films de Lanthimos... Pour le reste, on applaudira fatalement les acteurs, ils sont tous exceptionnels dans le film!
Quant à R.M.F., le seul personnage commun aux trois parties, il s'agit de l'acteur Yorgos Stefanakos. Il est aussi notaire, est un ami de Lanthimos, et lui a fait l'amitié d'apparaître dans Poor things. Il s'appelle bien RMF dans le film, c'est brodé sur son polo. Mais R.M.F. pour quoi? Lanthimos estime que c'est arbitraire. Des commentateurs croient y voir les initiales de Redemption, Manipulation, Faith. Ce qui correspondrait effectivement à la "coloration" des trois sketches... Enfin, d'autres pensent qu'il s'agirait de Random Mother F...ker, soit "connard lambda". Je vous laisse juge...