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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 13:58

1940: Six officiers Allemands sont en mission sur le sol Canadien. Ils doivent rejoindre la frontière Américaine (Située sur le 49e parallèle Nord), et doivent faire face à plusieurs dangers: d'une part, le Canada et l'Allemagne nazie sont en guerre. D'autre part, ils ont participé à la destruction de plusieurs navires, et sont activement recherchés. Sur leur chemin, les six vont faire de nombreuses rencontre, certains vont être ébranlés dans leurs convictions, d'autres vont commettre des véritables actes de barbarie. Ils vont aussi faire la connaissance de beaucoup de citoyens Canadiens de nombreuses origines: des Indiens, desFrançais, des Anglo-saxons... Tous sont différents, mais tous tiendront, chacun à leur façon, tête face à ces "envahisseurs".

Dernier film de Michael Powell scénarisé par Emeric Pressburger avant que les deux compères ne décident de brouiller les cartes en signant désormais "Ecrit, produit et réalisé par" suivi de leurs deux noms, cet étrange et envoûtant film de propagande est l'un des plus inclassables et les plus fascinants de leurs oeuvres communes. Un film dans laquelle la virtuosité des deux compères, que ce soit l'étonnante mine d'idées géniales de Pressburger, ou le génie de l'image de Powell, éclate au grand jour. Conçu autour d'un périple du nord vers le sud, 49th parallel semble presque laisser la parole à nos six Allemands, abandonnés par le sort (Leur sous-marin a été coulé) à un environnement hostile, dans lequel la remarquable organisation, la discipline de fer du lieutenant Ernst Hirth (Eric Portman) triompheront jusqu'à un certain point de tous les obstacles... C'est parfois de leur point de vue que l'essentiel de l'intrigue est montré, mais à aucun moment le spectateur n'est invité à les suivre dans ce qui est bien un égarement. Le réalisme de la mise en scène, conjugué à un montage exceptionnel signé de David Lean, qui a rendu tous les morceaux de bravoure encore plus forts par le dynamisme qu'il a su mettre en valeur, n'empêche pas le film de glisser en permanence vers l'allégorie: les six nazis, du début à la fin, rencontrent des citoyens Canadiens attachés à leur liberté, leur démocratie; des gens qui sauront trouver les mots justes, non pour convaincre les nazis, c'est peine perdue, mais pour rappeler au spectateur l'importance de ces valeurs. C'est que la cible principale de l'aspect propagandesque du film était bien sur le spectateur Américain, dont le gouvernement était encore à cette époque d'avant Pearl Harbor hésitant quant à la participation à cette guerre lointaine.

Le point de vue de l'ennemi représenté ici (Comme dans tant de leurs films) permet donc à Powell et Pressburger de nous montrer six Allemands (Dont cinq nazis invétérés, la nuance est importante), en proie aux délires d'Hitler et de ses suiveurs. A chaque mésaventure, ils vont perdre l'un des leurs, comme dans une comptine. Dès leur apparition, le ton est donné: le sous-marin vient de couler un navire Canadien au large du St-Laurent, et les marins accueillent les survivants; Hirth n'a aucune considération pour les simples marins, et veut s'adresser aux officiers; on retrouvera cette obsession maladive de la supériorité hiérarchique dans une autre scène, lorsque confrontés à une communauté religieuse égalitaire, Hirth n'a qu'une idée: trouver leur leader! Ils en ont bien un, mais il n'est absolument pas dirigiste, ce qui bien sur le déroute profondément. Tout au long du parcours, ils vont être confrontés à des hommes et des femmes épris de liberté (Finlay currie, Laurence Olivier), de fraternité et de justice clémente (Une communauté Huterrite d'origine Allemande menée par Anton Walbrook), d'art et de culture (Leslie Howard), et enfin de liberté d'expression (Raymond Massey). Lors du passage le plus beau sans doute, au cours duquel les quatre survivants de l'équipée (L'avion qu'ils ont volé au nord vient de s'abîmer dans un lac) arrivent dans la communauté religieuse, ils vont croire trouver du soutien, et ils pensent pouvoir prêcher auprès des habitants du village: ils sont d'origine Allemande. Mais leur raideur militaire détonne bien vite dans ce qui est une société autarcique douce et modérée, et un discours enflammé de rappel des préceptes nazis tombe à plat; pire, certains des membres de la communauté se sentent pris d'un sentiment à l'égard des nazis qu'ils avaient oublié: la haine. Bref, ces gens sont contagieux! Mais la leçon de la désastreuse et rocambolesque arrivée de quatre loups dans une bergerie se clôt sur une touche à la fois ironique (L'un des Allemands, boulanger avant l'avènement d'Hitler, retourne aux plaisirs des valeurs d'avant et cesse dêtre un nazi. Il est joué par le formidable Nial McGinnis) et tragique (Le boulanger est exécuté sommairement par ses camarades pour traîtrise).

Mêlant les regards juste et intelligent de deux artistes exceptionnels, et la mise en valeur de l'urgence de la situation par le montage, avec l'imposante présence dans le décor des montagnes rocheuses, des chutes du Niagara, bref de la nature canadienne, ce film oppose donc la tranquillité et la bonhomie du peuple Canadien aux sanguinaires militaires nazis, et dont la portée dépasse bien vite l'anecdote puisque la propagande Allemande va vite tenter de faire de cette épopée une preuve de l'héroïsme de ses soldats, seuls contre tous dans un pays hostile. pour autant il ne bascule jamais dans le manichéisme, ni l'alarmisme facile. On l'a vu, les nazis y sont dangereux, bien sur, racistes, militaires... Que des défauts qui les rendent effrayants, quoi... Mais ils sont surtout d'une bêtise affligeante, et assez faciles à contrer: seulement les héros qui se dressent sur leur chemin le font avec bon sens, en découvrant parfois leur courage de façon inattendue (Une très belle scène avec Leslie Howard); au final, les super-héros Germaniques ne sont que des cloportes sur lesquels il suffit d'appliquer un bon coup de botte bien placé. Il est toujours temps de le rappeler... Il sera toujours temps.

 

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Published by François Massarelli - dans Michael Powell Criterion