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30 décembre 2011 5 30 /12 /décembre /2011 18:44

Un roi en exil, chassé par une révolution, qui se retrouve coincé à New York entre deux mondes, et pris au piège d'une vie Américaine moderne, à lquelle il ne comprend rien: forcément, sur ces fondations, on s'attend à l'expression d'une vengeance de celui qui a été longtemps l'idole du public, le roi de Hollywood, et qui est un proscrit depuis quelques années: non seulement on ne veut plus de ses films, qui ont fini par révolter (M. Verdoux) puis par lasser (Limelight), mais on ne veut plus de lui, et dans la chasse au sorcières, Chaplin savait bien qu'il y avait une petite place pour lui... Après ce qui est bien un exil en Suisse, il a choisi d'en parler dans son premier film Anglais (Mais oui), mais ce n'est pas via son personnage que cette partie du règlement de comptes va avoir lieu... Ca restera du chaplin, toutefois.

 

Bon, soyons franc, ce film n'est pas bon. il est poussif, ennuyeux, trop démonstratif, et fait trop vite dans un contexte ou Chaplin n'était pas à l'aise. Pour s'en convaincre, regardons les scènes de comédie de la dernière partie, qui voient le roi Shadohv essayer d'achapper à un homme qu'il soupçonne de vouloir lui refiler une convocation au tribunal: c'est essentiellement de la comédie muette, mais tout se passe comme si le metteur en scène avait été incapable de trouver le bon angle; le résultat, c'est que la scène ne fonctionne que de façon lointaine, un peu comme ces recréations échappées de la télévision américaine des années 50, lorsque les comédiens de Sennett, de Roach, ou Buster Keaton étaient invités à recréer leurs gags... Un comble.

 

Le roi Shadohv d'Estrovia a fui la révolution pour aller à new York. Escroqué par un homme de confiance, il a du mal à joindre les deux bouts, et est plus ou moins recruté par une publicitaire, Ann Kay, pour faire de la réclame. Lors de ses activités protocolaires, il rencontre un jeune garçon, Rupert Macabbe, dans un foyer pour jeunes enfants doués. ses parents ont des ennuis avec la justice pour leurs opinions, et rupert, qui lit Marx, a des vues très arrêtées sur la politique de son pays...

 

D'une part, le metteur en scène règle donc ses comptes avec les Etats-Unis d'un point de vue général, la vie moderne, l'obsession du capital, l'escroquerie permanente des médias, et bien sur la méfiance à l'égard des étrangers, épinglée à travers l'une des premières scènes du film, lorsque Shadohv vante l'accueil des Américains tout en laissant un fonctionnaire lui prendre ses empreintes digitales. Le manque cruel de sophistication (le choix des accents est ici primordial), et un cinéma qui se mord la queue, tout y passe. C'est parfois drôle, surtout dans la première demi-heure, et Chaplin est à son aise dans le petit jeu du roi décalé lâché chez les lions tous plus ignares les uns que les autres. Mais on ne construit pas un film entier avec ça...

 

Donc, d'autre part, l'autre attaque du film, plus virulente et plus amère, vise l'obsession anti-communiste, encore virulente en cette fin d'années 50. Rupert, incarné par un Michael Chaplin assez franchement irritant avec son index sentencieux levé avec obstination, affirme haut et fort être communiste, non pas parce qu'il l'est, mais parce que dit-il, il en a marre de répondre aux mêmes questions sur ses parents. Autant l'être, puisque c'est ce que tout le monde veut, affirme-t-il... En représentant l'absurde soupçon qui a pesé sur tant de gens dont le simple souci était de construire un monde meilleur, semble dire Chaplin (qui sait de quoi il parle dans la mesure ou il a été aux premières loges), Michael Chaplin incarne non seulement son père, mais aussi tous les gens victimes du soupçon, et on peut aller jnusqu'à imaginer qu'à travers les maccabee, la famille de Rupert, le pas tendre Chaplin parle aussi des Rosenberg, les époux exécutés en 1953 pour espionnage. Si ici les deux époux échappent ne serait ce qu'à la prison, le traumatisme de l'enfant qu'on a forcé à parler est suffisant pour que le constat soit amer. Donc on est bien loin de la comédie burlesque, avec un Chaplin qui confirme sa dent dure...

 

Mais bon, tout cela fait un film qui a du mal à tenir debout. Ce qu'on a du mal à accepter de Chaplin, avouons le. En voulant rire de l'anachronisme qu'il est devenu, il montre aussi le fait qu'il ne comprend lui même as grand chose aussi bien au cinémascope qu'au rock 'n Roll (En avait-il déja entendu? on se posera la question...). Pourtant l'acteur est bien là, avec sa grâce naturelle pas trop contenue par l'age et un début d'embonpoint, si on a bien sur les inévitables références au corps et aux fonctions corporelles: l'odeur en particulier, à travers les deux publicités dites en direct par Ann Kay lors de la scène du dîner, ou encore l'utilisation du postérieur comme réceptacle de pâtisserie (Qui contient beaucoup de choses, puisque la pâtissier juvénile se met les doigts dans le nez), ou comme cible d'un jet d'eau. Mais tout ça, vite fait dans un studio ou il n'a pas la possibilité de reconstruire un New York à sa convenance, sans ses petites habitudes, sans la possibilité de faire son film deux ans durant s'il le faut, il peine. Et nous aussi.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin