Troisième incursion, de loin la plus complexe, de Chaplin dans le genre travesti, A woman possède un coté expérimental assez fascinant. Si le début situé dans un parc fait craindre qu'on retombe dans les vieux travers de l'improvisation scabreuse, et si une bonne part du film tient précisément à une trame à la Sennett, avec quiproquos, pantalons qui tombent, poursuite et autres, c'est sans doute parce que Chaplin savait que par ailleurs le film allait par ailleurs plus loin dans bien des domaines...
Le premier plan est, de façon inhabituelle, un travelling latéral, qui nous présente, assis sur un banc d'un parc et en gros plan, "a happy family", comme dit l'intertitre: de gauche à droite, le père (Charles Inslee), un vieux bougon, la mère (Marta Golden), endormie et qui ronfle, et enfin la fille (Edna Purviance, qui jette des regards irrités vers ses deux géniteurs en se bouchant les oreilles. Tanty qu'à faire de la comédie burlesque, autant le faire bien, semble nous dire Chaplin... Et c'est ce qui arrive: la mise en scène de Chaplin est plus raffinée qu'à l'habitude, dans ces scènes en apparence improvisées. L'arrivée de Chaplin, par exemple, qui vient du fond du cadre, alors que l'avant-scène est occupée par des arroseurs automatiques:
L'auteur-acteur, ici, fait une entrée remarquable. de fait, il va être le centre des débats dans la deuxième partie. alors que le père est parti, profitant de la sieste de madame pour aller courir les filles, Edna et sa mère rencontrent le vagabond, qui les séduit, et elles l'invitent à se joindre à elles, pour prendre le thé. Il flirte de façon effrontée, en particulier avec la fille, mais lorsque le père revient, avec uin homme rencontré dans le parc, Chaplin doit se cacher: il a rencontré les deux hommes, et en a, entre autres tous pendables, flanqué un à l'eau... Il se réfugie donc à l'étage, ou un mannequin l'attendait. L'idée inévitable lui vient: il va s'habiller en femme:
Chaplin ne pouvait pas déshabiller un mannequin aussi simplement, et il va donc en rajouter, notamment dans cette image ou on le voit clairement et consciemment mettre la main sur le sein de l'objet... Quoi qu'il en soit, le déguisement est vite enfilé, et Chaplin sort de la pièce, marche dans le couloir, et rencontre Edna qui hurle de rire. Elle lui suggère de raser sa moustache, et d'enfiler des chaussures de femme afin de parfaire l'illusion.
La séquence qui suit éclaire la rigueur de Chaplin, qui n'a pas son pareil pour camper une maison dans ses films, et pour cause: les espaces délimités par chaque pièce sont une fois pour toutes établis par une position de caméra qui ne bougera plus. Ainsi, Edna file chercher des chaussures à droite, et Chaplin à gauche, va se raser. on va ensuite évoluer entre les deux espaces, par un montage alterné assez rapide, qui commence à établir un rythme assez soutenu, dont le final en forme de poursuite tous azimuths va pouvoir profiter.
La jeune femme marque un temps d'arrêt, et semble s'adresser au public, comme pour nous dire: Vous vous rendez compte? sa moustache!! Le montage nous permet même d'imaginer qu'elle visualise elle-même la scène... Après bien sur, le jeune homme va déclencher une série de méprises comiques, déchainées, mais tellement bien amenées, et basées sur une construction telle que l'on ne peut qu'applaudir. Avec un film comme celui-ci, Chaplin prouve que même en comédie de moeurs, avec un sujet graveleux, on peut, et on doit faire les choses avec rigueur. Sa suprématie évidente est désormais établie...Comment s'étonner après cela que Chaplin ait tant soigné son entrée dans ce film? D'autant que tout en soignat sa mise en scène, Chaplin y va à fond: la complicité entre Chaplin et Edna est évidente, et une fois Charlie déguisé, Edna lui donne un baiser fripon qui, étant donné la façon dont il est habillé, ne peut que posséder des souis-entendus... Chaplin est celui qui baisse le plus souvent le pantalon, lui qui se'abstenait en général, en témoin plus qu'en acteur des turpitudes au milieu desquelles il évoluait.