Maître d'hôtel dans un restaurant, Antoine est très consciencieux, très apprécié des clients comme du personnel; le rêve? si on veut, mais sa bonne âme lui joue des tours: il est gentil. Cette gentillesse le pousse à parfois fermer les yeux sur ses collègues, ceux-ci ayant un peu tendance à profiter de la situation, comme ce sommelier qui pique dans la cave. Un soir qu'il va rejoindre Christine, sa petite amie, Antoine croise le chemin de Louis, un jeune homme qui est précisément en train de se pendre. Il le prend en pension, veille sur lui, et va tenter sa réinsertion, tout en essayant de rabibocher Louis avec Blanche, la femme de sa vie... Cela ne va pas être facile: Blanche a refait sa vie, Louis est apparemment totalement irrécupérable, et Christine aimerait bien ne pas être totalement abandonnée au profit des bonnes oeuvres de son petit ami...
C'est plus qu'une bonne surprise: une comédie Française dont le principal atout n'est pas le dialogue, ça ne court pas les rues. Mais le fait est que les situations dominent, avec une gestuelle, un rôle rare dévolu au silence, des acteurs formidables (je fais peser dans cette phrase le fait qu'habituellement le jeu des acteurs Français me repousse), et cerise sur le gâteau des dialogues parfaits: justes, bien amenés, et qui font mouche. Les scènes de comédie sont travaillées, basées sur des caractères très solides, et on ne peut s'empêcher d'aimer les personnages. pour Daniel Auteuil, brave type soucieux d'aider son prochain, on remarque qu'à aucun moment on ne se réfugie dans la basse moquerie, à une époque ou même les dessins animés pour enfants se doivent d'être cyniques; Louis, interprété avec génie par José Garcia, échappe au coté irritant du personnage qu'on aurait eu chez un Francis Veber, qui en aurait fait un pantin mécanique; Garcia lui confère une humanité en jouant la souffrance de façon frontale, pas en en faisant la cible de la raillerie du public. Enfin, Blanche est jouée avec fragilité par Sandrine Kiberlain, toute en nuances.
Et puis il y a trois scènes magnifiques:
Antoine improvise un aller-retour vers St-Malo, pour aider le fraîchement dépendu Louis à récupérer la lettre envoyée à ses vieux grands-parents, qui dit tout son désespoir, ce qui est ballot puisqu'il n'est pas mort. Antoine se fait passer pour un ami de Louis, afin d'entrer; la grand-mère qui vient de se faire opérer de la cataracte lui demande de lire la lettre pour lui, et il doit improviser une lettre anodine et optimiste, en s'inspirant de ce qui est manifestement la pire lettre de suicidé de tous les temps, en trois pages. Sa capacité à détourner l'esprit de la lettre trouve un écho dans toutes ses tentatives pour faire voir à Louis la vie en plus rose. Par ailleurs, il y apprend le fond du problème: sa rupture avec Blanche.
Louis vient postuler au restaurant pour un emploi de sommelier, recommandé par Antoine, seul parmi le jury à montrer un quelconque enthousiasme pour sa candidature; le stress du candidat, son instabilité, et le pathétique soutien que lui apporte Antoine, tout se résout dans un dialogue gestuel muet du plus haut burlesque. Par ailleurs, la scène est à la base d'une reconversion, puisque Louis va vraiment devenir un sommelier hors pair.
Enfin, pendant ses tentatives d'approcher la fleuriste Blanche pour lui remettre Louis dans les jambes, Antoine a poussé la jeune femme à rompre avec son nouvel ami (Qui la trompait dans une camionnette Interflora!!). Après un dîner en tête-à-tête, il raccompagne la jeune femme chez elle, qui voyant son ex-ami demande à Antoine de l'embrasser. Tout se joue en douceur, de façon très lente: L'ami s'approche des deux acteurs enlacés qui continuent leur embrassade sinon fougueuse, en tout cas bien sensuelle, et le doute s'installe, palpable, aussi bien pour nous spectateurs, que pour les personnages joués par Sandrine Kiberlain et Daniel Auteuil: toute cette sensualité est-elle feinte? Antoine ne serait-il pas en train de détruire son propre plan, et son propre couple, en tombant amoureux? Réponse dans le film.