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28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 11:18

Troisième film de Billy Wilder sorti en cette année particulièrement faste, "Témoin à charge" pour reprendre un titre Français exact, est aussi le premier à sortir sous le patronage bienveillant des United Artists. Si le film, contrairement aux 8 suivants, ne sort pas sous la houlette des productions Mirisch, l'équipe autour du metteur en scène continue à se mettre en place: si son co-scénariste Izzy Diamond est cette fois absent, remplacé par un tandem qui adapte avec Wilder la pièce de Agaha Christie, le metteur en scène confie ses décors une fois de plus à Alexandre Trauner dont il a aimé le vrai-faux Paris de Love in the afternoon. Sa reconstitution en studio de l'Old Bailey, cour de justice Londonienne, fera assurément son petit effet, avec ses bois et ses cuirs, habités par des régiments d'avocats emperruqués, qui veillent à la justice et son bon ordre...

Il serait bien sur vain d'aller chercher dans cette adaptation d'une pièce à succès d'Agatha Christie l'univers de Billy Wilder, mais celui-ci ne s'est pas contenter d'illustrer platement le "whodunit" de la digne dame: il s'est approprié une vision de Londres et de l"'Anglicité", placée sous le signe de l'ordre, symbolisé par ces rangées bien propres et nettes d'avocats, aussi droites et rectilignes que le sont les horaires pour médications et soins, imposés à sir Wilfrid Robart par son infirmière. Sir Wilfrid (Charles Laughton) est, à n'en pas douter, à la fois un as du barreau, dont le flair et le manque palpable de scrupules font un fin limier ("Wilfrid the fox") et un irascible conservateur, fort d'un passé glorieux, et de petites habitudes dangereuses qu'une santé chancelante remet sérieusement en question: le film est rythmé par les lampées d'alcool clandestin et les cigares piqués sans que la vigilante infirmière s'aperçoive de la supercherie. au sein de cette histoire de procès pour meurtre, bien propre, bien nette, Sir Wilfrid va se placer en diagonale, à mi-chemin entre le bien et le mal, entre le mensonge et la vérité. Coincé au milieu, tel qu'il est dans la scène ou on le voit hésiter, sur son petit ascenseur, au milieu de l'escalier, entre ses collaborateurs et son infirmière.

Leonard Vole (Tyrone Power), est un bellâtre (ou plutôt un vieux beau) qui a été trop loin: a force de fréquenter une vieille fille, celle-ci est morte. Il assure être innocent, et Robart va le défendre, non sans hésitations; en effet, le vieil avocat sent que l'homme est innocent, mais pas aidé dans son affaire par son épouse Christine (Marlene Dietrich). Lorsqu'en plein procès l'"épouse" (qui étant déjà mariée auparavant ne peut prétendre à ce titre) s'avère un témoin à charge dûment agressif, la partie devient difficile...

Un avocat, ça ment, mais ça a aussi besoin de croire en ce qu'il dit. C'est en jouant avec ce paradoxe que Wilder nous fait suivre un personnage attachant et forcément énorme, Laughton oblige. Celui-ci s'acquitte de son rôle avec gourmandise, d'autant qu'il partage l'affiche avec son épouse Elsa Lanchester, en infirmière mère-poule, cible de la rancoeur de l'insupportable vieux bougon. la caractérisation passe par chaque geste, chaque manie, soulignés de façon impeccable durant tout le film, ce qui fait joyeusement passer la pilule du "film de prétoire".

Un avocat ment donc, mais il n'est pas le seul: Christine, Leonard, mentent aussi, à des degrés divers et d'une façon différente, mais c'est là tout l'échafaudage du film qui se révèlerait si on allait plus loin dans la description. Disons que, fidèle à son habitude, Wilder a parsemé son parcours d'indices, de détails, et de personnages qui prendront tout leur sens in fine, notamment une jeune femme dont on se dit au départ qu'elle n'est là que pour interagir, en tant que spectatrice anonyme, avec l'infirmière. Mais.......

Le mensonge, la dissimulation, et la partie de cache-cache avec la morale, figure imposée d'un film sis dans la prude plus que perfide Albion, sont des thèmes pas si éloignés du canon Wilderien. Tout au plus constatera-t-on que l'on se préoccupe plus des artères de Sir wilfrid que des frasques sexuelles ou amoureuses des personnages. Un flash-back renvoyant assez directement à A foreign affair nous permet de voir quand même l'idylle Power-Dietrich mal partir sur un lit qui s'écroule avant même que les ébats ne commencent. cette allusion à un autre film va de pair avec l'allusion à Jesse James, justement interprété par Tyrone Power en 1939, lorsque Leonard rencontre la future victime au cinéma dans un autre flash-back; toujours ce gout pour le divertissement populaire chez Wilder, et toujours cette tentation rigolarde de la citation...

Dans ce film sans grande prétention mais très soigné, l'histoire tend à l'emporter sur le tout, il est vrai qu'elle est prenante, efficace, et due à une spécialiste du genre. Mais on ne peut faire abstraction de Sir Wilfrid Robart, de sa morale qu'il doit accepter de malmener, et du fait qu'à l'instar de Rommel (Five Graves to Cairo) et de Sherlock Holmes (Private life...) il soit le dupe d'un jeu trop subtil, même pour lui... et là, on retrouve décidément le grand Billy Wilder, même dans ce petit film.

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Published by Allen john - dans Billy Wilder