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26 décembre 2010 7 26 /12 /décembre /2010 16:18

On peut se poser la question de savoir si oui ou non ce film est une tentative pragmatique et raisonnée de gagner l’oscar du meilleur film, pour un metteur en scène qui avait eu beaucoup d’espoirs l’année précédente. Si ce n’est pas le cas, tant pis, ça y ressemblait beaucoup. Si c’est le cas, après tout, il a effectivement gagné…

Ray Milland incarne Don, un écrivain en mal de naissance (Il n’a que le titre de son premier roman, The bottle…), qui est alcoolique. Mais contrairement à bien des films didactiques, c’est un homme bien, il est malade, il n’est pas diabolique. C’est juste une victime, donc. Un angle d’approche pas forcément très répandu sur le sujet à cette époque… Don n’est pas tout seul, il vit avec son frère Wick (Philip Terry), tout son contraire, et il a une petite amie (Jane Wyman) , qui se dévoue de manière particulièrement impressionnante, si on tient compte du nombre de couleuvres qu’elle a à avaler. Le film nous présente l’expérience cathartique d’un week-end durant lequel Don va aller trop loin une fois de trop, et l’ouverture vers un lendemain meilleur.

Evacuons l’histoire et le coté Chronique de l’alcoolisme une bonne fois pour toutes : ce film relate, s’intéresse sérieusement à son sujet, mais selon moi l’intérêt est ailleurs. Dans le fait qu’on suive ici, à travers des journées d’un alcoolique, porté sur la dissimulation et le délire bien entendu, une périple chaotique, mais jamais incompréhensible ; ne cherchons pas ici de narration à la « Fear and loathing in Las vegas », par exemple. Wilder se laisse porter par deux courants : l’un plutôt réaliste, qui prend le parti de relater le tout avec l’atmosphère propre au film noir, que l’auteur de Double indemnity a du mal à quitter, et l’autre plus onirique, qui prend racine dans le cinéma Allemand, comme d’ailleurs tout un pan de la production de films noirs à l’époque. En gros, le film ressemble beaucoup à un de ces films Fox de la fin des années 40 dans lesquels certains cinéastes ont mélangé ainsi les styles… Mais le versant réaliste s’en tire mieux que le reste, notamment à travers les crises de Delirium tremens : celle à laquelle Don assiste à l’hôpital, durant laquelle il joue sur la confusion, les ombres, les apparitions de professionnels dont le calme blasé contraste avec la terreur manifestée par l’homme qui souffre, est d’autant plus efficace, terrifiante même, que la scène « vécue » par Don quelques minutes plus tard dans le film, qui voit intervenir des animaux (une souris, et une chauve souris pas toujours convaincante). Cette gaucherie qui nous empêche d’adhérer au film, se retrouve dans le mélange des personnages. Afin de rendre son Don sympathique, il fallait bien sur le voir vivre au milieu des autres vraies gens, et à ce titre, Jane Wyman, en sainte petite amie, est caricaturale, jusque dans son manteau de léopard, qui sert une fois de plus de petit caillou « Wilderien », puisqu’il est le symbole de leur rencontre, mais aussi de sa volonté d’en finir… Wick est un de ces personnages médiocres, que Wilder se refuse pour l’instant à prendre pour héros, mais ça viendra : un physique quelconque, des grosses lunettes, des airs moralisateurs et une raideur ridicule… Pour l’instant séparés, les deux frères (Le héros/ le ringard) seront plus tard réunis dans des films comme Sabrina ou Avanti. Un aspect plus intéressant de ce film, c’est bien sur la faune autour de Don, plus vivante, moins balisée : les barmen et commerçants, moralistes et souvent fins analystes de la chose humaine, qui fournissent à Don un écrin intéressant pour enchainer des aphorismes durant sa soulographie, et la dame de petite vertu (Sa profession ne fait aucun doute) qui a pour fonction si typique dansles films de Wilder d’assassiner le langage (« Ridic », au lieu de « ridiculous, etc, ce qui a l’effet d’exaspérer Don) tout en offrant le spectre de la tentation à Don, mais on se rend compte qu’elle vaut mieux que ça dans une jolie scène ou Milland vient lui mendier de l’argent, et l’embrasse. On s’attendrait à une baffe, ou même une remarque cynique, voire « professionnelle » de la part de la jeune femme, mais elle pleure, révélant une fragilité insoupçonnée dans les scènes qui ont précédé… La construction du film, faite de retour en arrière, et de narration en off à la première personne, est impeccable.

Bon, Wilder pouvait mieux faire : il le fera. Mais il a bien mérité son Oscar, admettons-le…

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Published by François Massarelli - dans Billy Wilder