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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 18:41
"Round up the usual suspects"
 
Ai-je quelque chose de neuf à dire sur Casablanca, son importance dans l'histoire du cinéma Américain, et bien sûr dans l'oeuvre de Michael Curtiz dont c'est sans doute le film le plus connu, le plus vu, le plus emblématique? Non, sans doute. Pourtant, il y aurait beaucoup à dire, mais quant à dire du neuf... Le film se trouve en plein coeur de l'admirable et prolifique carrière à la Warner du réalisateur, situé juste entre deux films plutôt atypiques: Yankee Doodle dandy, qui est pour Curtiz l'un de ses premiers films "biographiques" d'une figure du spectacle, et Mission to Moscow, film de propagande totalement assumé, qui se love avec une affection embarrassante sur les genoux de Tonton Staline. Mais justement: l'un et l'autre appartiennent plus ou moins lointainement à l'effort de guerre, comme le film qui a précédé Yankee doodle dandy (Captain of the clouds) et les deux films qui suivront Mission to Moscow, la revue musicale This is the army, et le film de résistance Passage to Marseilles... Au milieu de tous ces longs métrages, Casablanca trône, ayant en 102 minutes parfaitement défini le style de film d'aventures romantiques qui serait la règle à la Warner jusqu'à la fin des hostilités, et dont les autres exemples bien connus sont Passage to Marseilles, To have and have not (Hawks), ou encore Uncertain glory (Walsh). Le conflit intérieur qui est à chaque fois mis en lumière, est celui de la découverte par un aventurier d'une envie de résister, ignorée ou combattue auparavant. Les personnages sont des hommes revenus de tout qui renaissent à la faveur d'un amour symbolique d'un engagement pour la liberté et la démocratie. Dans Casablanca, Bogart-Rick Blaine incarne donc cet archétype avec maestria, le définit et l'invente...
 
"Everybody comes to Rick's"
 
Et Curtiz? Où faut-il le chercher dans ce film? Bien sur, Casablanca fait partie de ses grands films, il le sait, et il ne s'est pas fait prier: travellings d'exposition avec mille figurants, ombres qui dansent sur les murs blancs des cafés, figuration typée et hantée par une humanité principalement Européenne, on retrouve sa touche miraculeuse dans toutes les scènes, son rythme, sa nervosité et son sens de la recréation de la vie à l'écran. Mais cette histoire ne pouvait que le concerner directement... Immigré à plusieurs reprises, en transit même à la Warner qu'il a soudain quitté en 1954 après 27 ans, Curtiz est un peintre de l'exil. Mais plus encore, c'est un cynique, un homme qui se retrouve aussi bien dans Rick Blaine et sa faculté à composer avec tous, qu'avec le Capitaine Renault, joué avec intelligence par l'affable Claude Rains, un complice de Curtiz qui a joué dans nombreux de ses films et rejouera pour lui. De fait Renault est doté des répliques les plus réjouissantes du film, c'est un plaisir de le suivre dans cette histoire de résistance et de tromperie, ou finalement c'est celui qu'on aurait cru le plus collaborateur qui a le revirement le plus spectaculaire...
 
"You must remember this"
 
La vérité historique ne nous aide pas à suivre ce film, qui est une charge symbolique (Situé en décembre 1941, nous dit Rick Blaine, l'Américain qui va finir par s'engager...) d'abord et avant tout. Si le statut du Maroc en 1941 est aujourd'hui difficile à appréhender, il semble que la situation n'était pas beaucoup plus simple pour les contemporains: le capitaine Renault a fait allégeance à Vichy, mais des laisser-passer importants sont frappés du sceau de ...De Gaulle. Qu'importe: il faut très peu de temps pour comprendre toute la situation, grâce aux montages typiques de la Warner qui ouvrent le film, vite relayés par les scènes grouillantes de figurants (Certains d'entre eux se retrouveront d'ailleurs plus tard avec des scènes dialoguées dans le film) et d'une clarté absolue. Le point culminant de cette introduction est bien sûr le moment ou un homme abattu par la police meurt devant une affiche géante du Maréchal Pétain... Curtiz, éternel exilé, qui a fui le durcissement du régime Hongrois en 1918, et qui a trouvé en Autriche, puis en Allemagne, puis à Hollywood un refuge, n'a sans doute pas la politique claire; c'est un instinctif, quelqu'un qui donne de la sympathie aussi bien à Rick, engagé systématiquement auprès des perdants, qu'à Renault, qui semble plus ou moins profiter de la situation à titre personnel (Claude Rains n'était-il pas le Prince Jean dans Robin Hood?), mais aussi profiter de sa situation pour améliorer le sort de quelques candidats à l'exil. Candidates, devrait-on dire...
 
"Play it, Sam"
 
Bon, et puis que dire devant un film qui a su là aussi donner au sentimentalisme en vogue dans ces années de guerre un écrin à la mesure de l'enjeu: combien de secondes parfaites dans le jeu d'Ingrid Bergman ou de Bogart, dans ces non-dits, ces regards, cette soudaine pesanteur, le recours classique à la chanson-que-l'on-ne-doit-pas chanter (As time goes by), etc: l'amour est décrit avec passion, mais aussi avec mesure, et on a envie d'y croire, et de s'y abandonner. Cela explique aussi le succès de ce film auprès de tant de personnes, et le fait que dans cinquante ans, il sera toujours là: et ça, c'est rassurant. Parce que non seulement Casablanca est l'assurance de l'éternité pour Curtiz, Bergman, Bogart, Lorre, Henreid, Greenstreet, Veidt, et bien sur Claude Rains, mais c'est aussi un lien perpétuellement recommencé (Triomphalement regardé en Blu-Ray cet après-midi...) entre aujourd'hui et le cinéma d'hier: bref, c'est un classique admirable.
 
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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz