Tout en proposant un grand spectacle roboratif typique de la pyrotechnie à laquelle nous a habitués Martin Scorsese, Casino a quelque chose de gênant: 4 ans après Goodfellas, avec le même scénariste, Nicholas Pileggi, et des acteurs qui reviennent (De Niro, Pesci), une voix off omniprésente, et un argument très proche (Grandeur et décadence du crime organisé), Casino ressemble justement un peu trop à Goodfellas...
En bon cinéphile, Martin Scorsese a vu et apprécié les oeuvres de Walsh, Ford et Hawks. il sait, en a souvent parlé, que Walsh ne s'est absolument pas gêné pour faire plusieurs fois le même film à la Warner, passant d'un genre à l'autre, de de High Sierra à Colorado territory, de The Strawberry Blonde à One sunday afternoon, ou encore de Objective Burma à Distant drums: on obtient sur les mêmes canevas des films qui parviennent à être sensiblement différents. Ford de son coté a donné avec Fort Apache, She wore a yellow ribbon et Rio Grande une trilogie dont l'unité de ton ne provient pas que d'un thème commun (la vie dans la cavalerie sur la Frontière), avec un John Wayne aux noms étrangement similaires (Kirby York, Kirby Yorke) bien que son personnage ne soit pas le même à chaque fois... Enfin Hawks a expérimenté de son côté dans le genre Westernien en faisant sur trois films des variations d'une grande délicatesse, qui en rendent la vision fascinante bien que les films ne soient pas d'égale valeur: Rio bravo, El Dorado et Rio Lobo. On voit ainsi comment trois maîtres ont non seulement accepté, mais même carrément cherché à se répéter, sur une période relativement courte à l'aune de leur carrière: Généralement 6 à 8 ans entre les films de Walsh, 3 ans en tout pour Ford, et 11 ans entre Rio Bravo et Rio Lobo.
Et Martin Scorsese? Lui aussi est un maître; et après tout, il a bien le droit de se répéter aussi. alors d'ou vient cette impression gênante? L'auto-citation, c'est bien, mais à ce stade-là, ça devient embarrassant. Casino, tout en situant le débat un cran au-dessus (au quotidien de Goodfellas, succèdent les ors et les pompes de Las Vegas, même s'ils sont en plastique grossier), dans une dimension vaguement opératique mise en valeur par la scène d'ouverture dans laquelle Robert de Niro fait exploser sa voiture, est en fait une redite brillante mais bien souvent stérile. Pileggi et Scorsese ont mélangé les cartes, essayé par endroits de se situer loin du modèle, mais les coutures, hélas, se voient. On est à l'age de la vidéo, et maintenant, non seulement le fan a lui aussi les répliques des stars en tête mais on constate que toute l'équipe a probablement vu et revu Goodfellas.
Alors bien sur, le film est bon, comment pourrait-il en être autrement? Avec une demi-heure en plus, la narration assurée par de Niro et Pesci, une Sharon Stone au sommet de sa forme, et le splendide mauvais goût de la garde-robe de De Niro, on ne pouvait pas se planter. Mais il y a quand même beaucoup de moments durant lesquels on a un sentiment de déjà-vu, sans pour autant qu'il y ait quelque chose de neuf. Si, peut-être qu'en 175 minutes, on a la possibilité de placer plus de grossièretés qu'en 145...