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23 février 2014 7 23 /02 /février /2014 09:37

Marie (Gina Manès) est une enfant trouvée, élevée et exploitée dans un bar du Vieux Port de Marseille par un couple de cafetiers, les Hochon. elle est convoitée par Petit Paul, le caïd local (Edmond Van Daële), une grosse brute qui raconte des boniments au patron du café, de toute façon trop content de la perspective de se débarrasser de la jeune femme. Mais Marie aime Jean (Léon Mathot), un brave homme qui surtout est décidé à la respecter, ce qui n'est absolument pas le cas de Paul. Celui-ci réussit à faire croire à Hochon qu'il emporte Marie pour se marier avec elle, mais il veut surtout passer du bon temps, et Jean qui les a suivi à Manosque intervient au moment ou Paul entraine Marie dans un hôtel; ils se battent, et Jean considéré comme l'agresseur va écoper d'un an de prison. Pendant ce temps, Marie vit avec son bourreau, qui lui a donné un enfant. A sa sortie de prison, Jean est déterminé à retrouver la jeune femme.

 

C'est un scénario original de Jean et Marie Epstein qui sert de prétexte à ce film, une production Pathé qui réconcilie le mélodrame très populaire et classique, avec l'avant-garde, dans le sillage de Gance. Mais une autre influence qui apparait de façon frappante, c'est celle de Stroheim à travers l'utilisation savante du sordide magnifié par les sentiments, des détails mis en exergue au service d'une narration au plus près des corps. La lenteur du film est bien entendu contemplative, l'interprétation étant dominée par un naturalisme des gestes, et une accentuation du regard. Epstein, avec le chef-opérateur Léon Donnot, utilise intelligemment ses effets (Surimpressions, montage rapide, iris blancs, filtres, fondus et contrechamps inattendus). Les décors naturels (La Provence, inondée de lumière) sont fort bien combinés avec des intérieurs tournés à Vincennes mais criants de vérité... et de saleté! Epstein a donné dans la deuxième partie un rôle crucial à Marie Epstein, celui d'une jeune infirme (Là enciore, on pense à Stroheim!) qui va beaucoup donner pour le couple, et participer à un motif qui donne son titre au film: elle utilise de la craie pour signaler à Jean les absences de Paul, un feu vert en forme de coeur pour aller retrouver Marie. Une jolie idée, qui trouve dans le film son  contrepoint, puisque Paul a lui aussi une "donneuse", une prostituée qui la renseigne sur les faits et les gestes de Marie Et Jean derrière son dos. 

 

Malgré un épilogue en forme de happy ending, le film se clôt presque sur une image qui fait froid dans le dos, celle d'un homme mort dont la tête repose sur le couffin d'un enfant. La juxtaposition de la tête ensanglantée et du bébé qui pleure ne présage rien de bon, ni pour l'enfant, ni pour les amants survivants... Le premier film importantde Jean Epstein, qui a bénéficié de la confiance de Pathé en dépit du fait qu'il n'était après tout qu'un amateur éclairé, est une belle preuve d'un temps héroïque du cinéma français dans lequel l'ambition artistique pouvait faire corps avec une réelle fibre populaire du cinéma...

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Published by François Massarelli - dans Muet Jean Epstein 1923 **