Au milieu de l'oeuvre parfois légère de l'auteur de, ahem, Angels & demons, Ed TV est une bien étrange oasis. Sur un sujet pareil, au même moment ou presque, Peter Weir donnait à voir avec The Truman Show une belle fable, un film noble et digne, qui montrait les dérives possibles de la téléréalité (D'ailleurs largement confirmées depuis). Avec Ed TV, on a l'autre versant, le côté franchement iconoclaste, et le sentiment d'assister à un spectacle vaguement complaisant, mais surtout profondément burlesque.
Ed est donc un parfait inconnu, un homme totalement dénué d'ambition et de relief, choisi pour être le héros d'une émission de téléréalité précisément parce qu'il est minable, et qui va découvrir bien vite les vices cachés de sa célébrité toute nouvelle. Le principal défaut de ce film est de considérer les dérives de a télévision comme un acquis; la principale qualité repose dans l'humanité clairement affichée du personnage principal... Le final en forme de vengeance des petits sur les puissants est franchement un peu téléphoné, mais le film, décidément, s'en sort bien... La disposition particulière de la situation permet de jouer à fond la carte du miroir, non seulement de la réalité, déformée par la télévision, mais aussi d'un certain monde du spectacle.
Les pantins qui s'agitent ici se divisent en trois clans distincts: ceux qui se laissent faire, souhaitant vaguement en profiter, comme Ed le naïf, et son impayable frère Ray qui croit que ça va lui permettre de vendre sa camelote (Un salon de body building); ceux qui sont prêts à se vendre à la télévision, que ce soit le mannequin Jill (Liz Hurley) dont la participation est planifiée par la production, et qui est absolument prête à tout face à une caméra (Une scène d'anthologie qui résume les excès de la télé-réalité la voit accueillir Ed chez elle, dans le simple but de l'amener au lit en direct!), ou la maman d'Ed, qui à l'idée que la télévision va venir chez elle, se transforme en Blanche Dubois! Enfin, ceux qui ne veulent pas étaler leur vie à l'écran sont représentés par Shari, la petite amie jalouse de son intimité. Mais ces derniers, décidément, son bien peu nombreux... Tant dans le film que dans le monde réel, ou désormais on est persuadé que pour devenir quelqu'un il suffit d'apparaître à la télévision, qu'on ait fait quelque chose qui le justifie, ou pas: il suffit d'allumer la télévision aujourd'hui pour être instantanément envahi par des dizaines d'Ed, mais en beaucoup moins humains...