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15 avril 2018 7 15 /04 /avril /2018 12:30

Les deux acteurs Carl Schenström et Harald Madsen, respectivement un grand longiligne et un très petit râblé, étaient des stars au Danemark, de 1921 à 1942, soit jusqu'à la mort de Schenström. Mais cette célébrité ne s'arrêtait pas aux frontières, comme le prouve la liste de leurs surnoms: Fy en By en Scandinavie, Pat und Patachon en Allemagne, Long and short en Grande-Bretagne, et Doublepatte et Patachon en France; si le format de la plupart de leurs films, le plus souvent réalisés par Lau Lauritzen, reste le long métrage, ils ont souvent été considéré comme l'inspiration pour Laurel et Hardy, ce qui ne tient pas complètement debout, pour un certain nombre de raisons: leurs films n'ont jamais réellement percé aux etats-unis, même si certains y ont été projetés; Laurel et Hardy ont été "couplés" dans des films avant d'être un duo, et leur dynamique s'est créée toute seule, poussant le studio à répéter l'expérience; et enfin Roach a toujours mis ses acteurs en équipe, dès 1915: Lonesome Luke était aussi une équipe, avec Snub Pollard et Bebe Daniels autour de Harold Lloyd. Mais la présence physique inversée des deux acteurs, leur complémentarité, et le fait que de film en film, bien qu'il ne s'agisse jamais vraiment des mêmes personnages, ils aient peu ou prou maintenu le même rapport, pousse évidemment à la comparaison. Par contre, autour de Schenstrom et Madsen, le film leur échappait; ils étaient constamment une sorte de cerise sur le gâteau, au milieu d'une intrigue qui ne les concernait que peu, et vagabondaient de boulot en boulot, le grand menant le petit... Ils assistaient aux amours malheureuses de jeunes bellâtres pour des filles de bourgeois. Quelque fois, ils les aidaient. Dans certains films, Lauritzen a été ambitieux: Son Don Quichotte (1926) en particulier dépassait le cadre de la comédie, et imposait un jeu bien différent aux deux acteurs; la durée de 180 minutes en faisait un film autrement plus important que les aimables comédies de 90 minutes qui composaient l'essentiel du duo. Parfois, enfin, ils s'exportaient, et sous la direction d'un autre (Monty Banks, Gustav molander, Urban Gad, ou Hans Steinhoff par exemple), jouaient pour d'autres filmographies: Suède, Norvège, Allemagne, Grande-Bretagne, comme Asta Nielsen avant eux, le Danemark étant décidément un petit pays.

Pour terminer ce tour d'horizon, il convient d'ajouter que leurs films possédaient un air de famille, parfois obéissant à une formule, et qu'il y avait des passages obligés: il devaient se situer dans un environnement qui permette des belles prises de vue de la nature Danoise, il y avait des jolies filles, baigneuses en maillot, voire sans en certaines occasions. La vie des gens était celle du Danemark des années 20, un pays en apparence tranquille, sous les influences Scandinaves au nord, germaniques au sud, et empreint de ces deux cultures...

Schenström, contorsionniste, et Madsen, artiste de cirque aux multiples talents, sont d'abord une présence physique, enfantine. Quoi qu'ils fassent, ils ne peuvent qu'être visuellement ridicules, une exagération qui n'est pas forcément soulignée par les autres protagonistes. Ils vont ensemble, ce qui n'exclut pas qu'un scénario les fasse se rencontrer dans un film. Madsen est le plus lunaire des deux, avec sa cambrure exagérée à la Chaplin, et sa petite taille, sans oublier son air volontiers ahuri. Mais c'est aussi le plus bouillonnant, souvent celui par lequel le malheur arrive... Schentröm a beau jouer plus facilement l'adulte, il a des éléments enfantins lui aussi, une immaturité notamment sexuelle, qui passe par une timidité manifestée physiquement. Et l'un comme l'autre est amené parfois à s'impliquer corporellement, comme dans l'un des films ou ils se baignent effectivement dans une eau gelée...

Filmens Helte est l'un des meilleurs longs métrages du duo, d'ailleurs le plus vu ou revu, qui a fait l'objet d'une reprise en salle sous forme d'une compilation en 1979, et dix ans plus tard en France. Le film est amusant, montrant comment les deux héros sont amenés en catastrophe (le mot est très bien choisi) à remplacer au pied levé les deux jeunes premiers d'un film, tourné par un artiste autoritaire à la Stroheim. On assiste par ailleurs aux tribulations des jeunes premiers, qui ont quitté le plateau en raison d'un conflit avec le producteur, père de  leurs fiancées. Tout finira bien: le film désastreux sera un succès, les jeunes acteurs seront réintégrés, et le producteur consentira aux mariages.

Voilà, c'est tout... sauf que tout ceci serait excellent, s'il n'y avait un détail embarrassant: les films conservés du duo ont été achetés par la chaîne Allemande ZDF, et remontés en épisodes de 25 minutes, narrés en Allemand. Y compris les films parlants, dont on a tout simplement fait sauter la bande-son originale. dans une opération digne de la boucherie effectuée par Chaplin sur The gold rush, certains des films sont à peu près cohérents et possèdent encore l'essentiel de leur métrage. Mais que penser du Don Quichotte réduit à deux épisodes de 25 minutes, à la place de 180 minutes? Ce film est heureusement disponible en streaming sur le site du Danske Film Institut, sans sous-titre toutefois:

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/filmens-helte

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 Comédie Lau Lauritzen Schenström & Madsen Danemark DFI *