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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 09:11

J'émettais l'hypothèse, à partir de certains indices disséminés dans le précédent film de Tim Burton, Dark Shadows (Très probablement postérieur dans l'essentiel de sa confection à celui-ci, dont la post-production a du être bien longue), d'un retour aux sources conscient, qu'il me semblait important de faire pour le réalisateur tant ses films me semblaient devenir furieusement quelconques depuis Big Fish. Sympathiques, décalés, certes. Mais quelconques, moyens, voire franchement mauvais pour l'un d'entre eux. C'est donc avec plaisir qu'on accueille ce nouveau long métrage, triple retour aux sources en effet, et retour en forme, de façon évidente... Triple, puisque d'une part il s'agit d'un film d'animation (En volumes), renvoyant à ces années de formation durant lesquelles le jeune homme fantasque de Burbank apprenait un métier dans l'industrie locale: Disney; ensuite, retour à un univers qui lui est propre, situé entre la banlieue Américaine vue par des ados qui s'ennuient, et un monde d'horreur et d'épouvante, marqué par une fascination de la mort et un humour noir qui réussit à rester bon enfant, le monde donc de Beetlejuice; enfin, Frankenweenie est un remake de... Frankenweenie (1984), moyen métrage réalisé en prises de vues réelles par Tim Burton pour Disney qui servait de complément de programme pour je ne sais quel long métrage d'animation... ce retour aux sources est confirmé et souligné par un procédé auquel Burton a eu recours dans... Beetlejuice, Batman, Edward Scissorhands, Batman returns, Ed Wood, et Mars attacks!, consistant à détourner le logo du studio afin de le personnaliser et signer le film à la manière d'Hitchcock dans ses apparitions discrètes: Disney a laissé faire, c'est un signe...

Le film suit l'intrigue du moyen métrage original, soit les aventures d'un jeune garçon, nommé Victor Frankenstein. il habite dans la banlieue "middle America" (Et imaginaire) de New Holland, un paradis pour les parents, mais un ennui mortel pour les enfants, à moins qu'ils ne trouvent à s'occuper: des copains, éventuellement, des choses plus ou moins saines à faire, et dans le cas de Victor, des films, assemblés autour de son chien, le gentil Sparky, son seul compagnon. Ses parents, gentils aussi mais un peu benêts, le soutiennent dans cette activité artistique, mais le père soucieux tente de pousser son fils vers la normalisation via le base-ball; parallèlement, un professeur de sciences magnifiquement excentrique va demander aux élèves de travailler sur un projet scientifique, qui les passionne tous.

C'est dans ce contexte que Victor perd Sparky, à cause du base-ball d'ailleurs, lorsque le chien enthousiaste court après une balle, sans voir la voiture qui approche, et... le tue. Victor a donc tout perdu, mais le déclic viendra de son professeur de sciences, lorsque Victor rapprochera dans son esprit la perte de son chien d'une expérience de physique qui démontre qu'un choc électrique peut provoquer chez un individu mort des réflexes: il décide d'utiliser l'électricité pour "réveiller" Sparky. C'est un succès, mais les ennuis vont commencer: comment cacher un chien mort et ressuscité, à plus forte raison lorsque celui-ci aime gambader, farfouiller et draguer la caniche des voisins? Comment empêcher les autres enfants bizarres du coin de venir fouiner dans ses petites affaires quand on a un secret aussi encombrant? Enfin, comment échapper à la médiocrité lorsque les parents locaux sont des imbéciles qui se transforment en meute prête au lynchage à la première occasion, professeur de sciences trop original, ou chien fantôme...

 

L'univers de Tim Burton, ce n'est pas que ce superbe noir et blanc, cette obsession des codes du film d'épouvantes et les enfants qui se vautrent dans les expériences bizarres, non: c'est aussi une certaine façon de dépeindre l'Amérique moyenne, entre banlieue cossue et traditions loufoques, comme cette célébration de la commune dans laquelle une petite fille, par ailleurs saine d'esprit, se voit obligé d'entonner un hymne local à la grande satisfaction de son oncle, le maire sadique du lieu, qui lui impose de porter un chapeau orné de bougies d'anniversaire... C'est aussi un endroit ou, bien que peuplé d'immigrants (Le garçon Toshiaki, par ailleurs fourbe et un peu voyeur, doté d'une caméra en permanence), on se méfie des étrangers, d'où la vindicte populaire contre le professeur Rzykruski, accusé d'inventer des informations pour embêter les parents, comme cette relégation de Pluton, qui n'est plus considérée comme une planète. Lorsqu'on en est réduit à accuser les professeurs d'écrire les manuels afin de tromper les enfants, c'est qu'on n'est pas loin du fascisme et de l'autodafé. Mais en suivant le canevas de Frankenstein, c'est sur Sparky le gentil chien que la folie du lynchage va retomber, même si les expériences menées par les autres enfants vont toutes dégénérer, Sparky est, pour les adultes, l'étincelle de la folie destructrice des enfants... Bref, des gros crétins comme il en existe tant dans nos beaux pays.

Cet univers passe donc aussi par la description des enfants, qui dans ce film sont tous des laissés pour compte: Toshiaki, enfant d'imigrés Japonais, Edgar, bossu et difforme, une variation sur tous les assistants de Frankenstein depuis Dwight Frye, Nassor, un grand maigre qui ressemble à Boris Karloff, et va d'ailleurs finir en momie, une jeune fille très bizarre, qui interprète de façon embarrassante les crottes de son chat, un matou étrange, Elsa la jolie voisine, une nouvelle variation sur les personnages joués par Winona Ryder dans Beetlejuice et Edward (Et dont la voix est précisément celle de Winona Ryder, autre retour aux sources), et enfin Bob le garçon obèse: tous n'aiment pas vraiment Victor, certains sont méchants, mais tous ont une raison pour leur comportement: survivre à la banlieue. Ils vont se livrer, à l'imitation de Victor, à des expériences sur des animaux morts, qui vont tourner au désastre... Ces laissés-pour-compte sont l'anti-High school Musical par excellence... Tourné chez Disney.

Enfin, Burton retourne à l'un de ses péchés mignons, comme dans le moyen métrage original: le film est un démarquage de Frankenstein bien sûr, ce que les noms du héros, d'Elsa (L'actrice Ela lanchester était la "fiancée"), le caniche avec la coiffure d'Elsa Lanchester, la présence de Boris Karloff et de Christopher Lee (Vu dans un Dracula de la Hammer regardé à la télévision par les parents de Victor) et le final dans le vieux moulin, comme dans Sleepy hollow, rend aussi explicite que possible... Mais Burton renvoie à d'autres oeuvres, comme La momie à travers le personnage de Nassor, dont l'animal fétiche est un hamster mort emballé dans des bandelettes (Qui donne lieu à un gag sadique réjouissant à souhait), Godzilla grâce à l'apparition d'une tortue mutante et géante (Qui s'appelle Shelley... Duvall?), et Nosferatu dans un plan d'ombres d'enfants qui montent un escalier... Bref, on retrouve cette échappatoire constant vers le cinéma, tendance fantastique, afin d'oublier la médiocrité des gens et de la vie, sans pour autant adopter un ton trop décalé et trop cynique de M. Je-sais-tout comme il sied désormais dans les films pour enfants. Non, pour Tim Burton, cette histoire ne se conçoit qu'au premier degré...

L'animation est superbe, intégrant des marionnettes qui bougent de façon fluide, dans des décors soignés avec l'aide discrète mais à bon escient de 3D pour la finition. Les textures "bougent" parfois discrètement, comme dans King Kong ou dans Wallace & Gromit, ce qui est un choix de souligner la confection artisanale du film, qui manquait dans le trop lisse The corpse Bride. Et le design inspiré des dessins de Burton lui-même (La seule chose qui puisse relier la réalisation du chef d'oeuvre d'Henry Selick The nightmare before christmas et l'auteur de l'intrigue Tim Burton) nous renvoie à l'art et l'univers graphique d'un metteur en scène qui avait oublié qu'il n'était pas obligé de ressembler à sa propre caricature... Le film adopte le même point de vue que celui du court métrage original, et ressemble beaucoup plus à une façon a posteriori de rectifier le tir, en proposant un élargissement du film, passant de 30 à 85 minutes. Sans enlever les mérites du film court, il était une oeuvre de jeunesse. Rien de ce qui a été ajouté ne trahit le film de toute façon, et certains éléments haussent cette nouvelle version à la hauteur des plus grands films de Tim Burton, Edward Scissorhands, Ed Wood... Ca fait très plaisir. Et si on entend ici les voix de complices comme Winona Ryder, Martin Landau (Ed Wood), Martin Short (Mars attacks!), et Catherine O'Hara (Beetlejuice) pas de Johnny Depp, ni d'Helena Bonham-Carter. Non qu'on ait quoi que ce soit contre eux, mais il fallait effectivement briser la malédiction de Tim Burton. C'est malin, maintenant on va l'attendre au tournant!

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton