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10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 11:09

Thomas Ince, dans les années 10, était l'autre grand producteur et réalisateur de films qui dominait, aux cotés de Griffith. Particulièrement dédié au western, il était un patron imposant et respecté, dont l'importance était d'autant plus grande qu'il était justement jugé comme un égal, c'est à dire un réalisateur au même titre que Griffith, dont les courts métrages étaient certes tournés en indépendance quasi complète, mais qui était lui un employé de la Biograph. Pas Ince, qui était son propre patron, et surtout, qui était producteur avant tout. La confusion s'explique, puisqu'après tout même Griffith n'était pas crédité à la réalisation à la Biograph. Mais les films tournés à 'Inceville' étaient supervisés, produits, parfois réalisés par Ince, mais d'autres, aussi, se partageaient le travail, dont J. Farrell McDonald, Francis Ford (Le grand frère de) ou Reginald Barker. De fait le grand homme ne dédaignait pas (Sans doute pas au point d'un Disney quelques années plus tard, mais pas forcément très loin non plus) de tirer la couverture à lui. quant aux principales raisons pour lesquelles il a été aujourd'hui éclipsé, eh bien, disons que d'une part les films n'ont pas été aussi bien conservés que ceux de la Biograph, et surtout que Ince est décédé (dans des circonstances plus que mystérieuses semble-t-il) en 1924...

 

Ces deux films, des "deux bobines" de 1913, ont pour point commun de traiter de la guerre de sécession, cette guerre civile qui a redéfini pour longtemps un pays entier. En 1913, elle n'est finie que depuis 48 ans, et des vétérans en sont encore vivants, ne l'oubions pas. Et elle est de fait un évènement qui a non seulement été déterminant pour la nation Américaine, mais c'est aussi une source culturelle d'anecdotes, de comportements, de légendes et de codes fascinants. Comment s'étonner que des films y aient été consacrés, si nombreux? Chez Griffith, dès les années 1900, chez Ince aussi, chez Edison... Des tragédies, des films d'aventures, des comédies (Grandma's boy, The general) des épopées (Birth of a nation), des films romantiques (Gone with the wind, bien sur...) et des films plus proches de nous qui remettent le s évènements en perspective en offrant une vision plus réaliste, et moins glorieuse des faits (Ride with the devil). C'est que cette guerre, la première guerre moderne (Tranchées, mais aussi guerre totale: terre, mer et même dans les airs, via des ballons captifs d'observation), durant laquelle un nombre imposant de techniques militaires ont été testées, fit un nombre incroyable de morts de part et d'autre: bref, un traumatisme incontournable. J'ai déja dit ailleurs à quel point la guerre civile était une source primordiale d'histoires pour Griffith, sans parler de son magnus opus qui sent si mauvais, mais chez Ince le conflit passé était là encore un inépuisable creuset, comme en témoignent ces deux films. Courts, mais en deux bobines soit un peu moins d'une demi-heures, ils atteignent leur but sans aucun problème...

 

Drummer of the 8th concerne un jeune garçon qui s'enthousiasme pour un conflit auquel son grand frère va participer. Il décide de fuguer et rejoindre le front pour participer en tant que tambour, mais sera très vite fait prisonnier. Lorsqu'il sévade, plusieurs années après, il prend contact avec sa famille, qui n'a jamais abandonné l'espoir de le retrouver, mais il meurt de ses blessures avant de retourner chez lui, et c'est donc un petit cercueil couvert d'un drapeau de l'union qui est aporté à sa mère. L'héroïsme de pacotille, les sentiments guerriers n'ont finalement mené qu'à un gâchis sévère dans un film intelligent, superbement mené, sans temps mort ni action exégérée. Loin des batailles très lisibles de Griffith, celles du film sont plutôt marquées par une certaine confusion géographique et dramatique qui en sert le propos...

Granddad est un constat poignant: une petite famille vit tranquille, le père, sa fille et le grand-père tendre et un brin alcoolique, un vétéran qui meuble l'essentiel de ses journées entre la boisson et le souvenir de ses exploits guerriers passés. Le père veuf ramène une pimbèche moraliste à la maison qui fait comprendre au grand père que ses manies sont dangereuses pour l'éducation de la petite Mildred, et il choisit de quitter les lieux afin de ne pas se placer entre son fils et sa nouvelle épouse. Lorsqu'un vieil homme manchot se présente au bar que fréquente le vieux grand-père et s'enquiert de ce qu'est devenu cet ancien soldat de l'union qui lui avait sauvé la vie à lui, un confédéré à l'article de la mort, les camarades du héros l'amènent à un hospice pour pauvres ou le vieil homme est en train de se tuer à petit feu en travaillant. C'est le moment qu'a choisi Mildred pour emmener son père le visiter. Cette fin mélodramatique est du plus haut sentimental, mais elle permet de clore le thème du film, à savoir l'importance du souvenir, du sacrifice, de l'héroïsme des vétérans. Le film a l'intelligence de ne prendre aucun parti guerrier, et de montrer à travers le rescapé sudiste qui cherche son bienfaiteur nordiste, que la réconciliation a bien eu lieu. Je ne suis pas sur que les noirs de l'Alabama le voyaient du même oeil en 1913, mais ne nous perdons pas dans des digressions: là encore, le film est riche, superbe, bien joué, et passionnant.

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Published by François Massarelli - dans Muet Thomas Ince 1913 *