Les premiers longs métrages de Griffith, ceux qui suivent donc la période fascinante des courts métrages réalisés pour la Biograph et qui précèdent l'explosion de Birth of a nation, sont parmi les films les plus obscurs de Griffith. au nombre de cinq (un pour la Biograph, quatre pour la Mutual, dont deux perdus: Battle of the sexes et The escape), ils représentent les efforts du metteur en scène pour maintenir en vie une troupe qui l'a suivi, et pour continuer à explorer la forme cinématographique. On l'a déja vu avec Judith of Bethulia, la forme longue qu'il a tant voulu explorer est quand même pour Griffith un sacré défi...
Le troisième long métrage de Griffith fait immanquablement penser à ses courts, pour deux raisons : le prétexte ‘littéraire’ est exactement le même que pour son Enoch Arden, ou Pippa passes, voire ses adaptations de Poe : il s’agit de sonder la culture populaire Américaine, en mettant en images des mots qui résonnent chez le citoyen Américain moyen, tout en s’amusant avec la forme cinématographique. Il ne faut sans doute pas prendre ce film, qui prend prétexte de la chanson de John Howard Paine, très au sérieux, tant son message parait anecdotique (On n’est jamais mieux que chez soi, et quand on s’en aperçoit, on arrête de faire n’importe quoi), mais il renvoie tellement aux années Biograph que c’est au moins un plaisir de voir tous ces acteurs défiler : passé un prologue (avec Henry B. Walthall, Lillian et Dorothy Gish, et Josephine Crowell) qui conte la vie et la mort de Paine, dont les pêchés auront la peau, on assiste à trois histoires dans lesquelles la chanson joue un rôle, toutes les trois sur un mode différent : comédie rustique avec Bobby Harron et Mae Marsh, drame avec James Kirkwood et Donald Crisp, et enfin comédie de mœurs avec Edward Dillon, Owen Moore et Blanche Sweet… Les histoires se suivent te se ressemblent peu, autorisant les recours à des expérimentations formelles, suspense, rupture de ton, jeux de point de vue… si la morale est d’une exaspérante platitude, si le film reste définitivement du Griffith Victorien, au moins on n’a pas le sentiment de perdre son temps…