Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 18:39

Avec le dernier film de sa première trilogie Westernienne, Leone avait les coudées franches: les deux premiers rencontraient un franc succès partout où ils étaient montrés, et il avait donc un budget en conséquence, ce qui se voit d'ailleurs. Et il avait, d'une certaine manière tous les droits. Toutefois, si la version Italienne initiale (Si tant est qu'on l'ait conservée, ce qui n'est pas sûr) était à l'origine très longue (177 minutes), la version Américaine était moins ample, moins bardée de digressions, et c'est celle qui a fait autorité. Une restauration a eu lieu, tentant de conformer la version US à l'Italienne, mais la plupart des scènes insérées se trouvent aujourd'hui au coeur du film, dans la première partie qui, ma foi, semble la plus lente, et la plus propice au décrochage... Je ne sais pas dans quelle mesure cette nouvelle version est légitime, et "telle que Sergio l'aurait voulue", comme disent avec une larme les commentateurs impliqués dans tous les bonus DVD du film restauré...

En attendant, le film commence avec désormais ce qui est la franche acceptation de la stature mythique de ses films par le metteur en scène: en 25 minutes, il nous montre les personnages, leur motivation ou leur façon de faire, leur interaction aussi, en se passant aussi souvent que possible de la parole (la première phrase prononcée vient à la onzième minute...). Comme avec les films précédents, il nous donne à voir, se situe souvent au niveau du spectacle (Le capitaine nordiste qui réclame de ne mourir que lorsqu'il aura vu le pont sauter, par exemple), et Leone achève son film sur une figure circulaire qui vient en droite ligne du film précédent, avec reprise de la musique héroïque... L'ensemble du film est situé dans un énigmatique Sud Ouest en proie à une guerre de Sécession bien problématique pour qui a étudié l'histoire (Bien qu'il y ait eu semble-t-il une bataille située en plein coeur du Texas), avec trois anti-héros à contre-courant: le "bon", dernier présenté, c'est Clint Eastwood, surnommé Blondie. Le film, ultime clin d'oeil aux deux succès précédents, nous montre avec discrétion une sorte de naissance du mythe, avec l'arrivée entre les mains du personnages de deux accessoires qui ont fait sa singularité (Il ne les porte en effet pas dans la première partie): un gilet en peau de mouton, et le fameux poncho aux couleurs improbables que Clint ne porte qu'à la toute fin, après l'avoir pris à un homme mort auprès de lui. En dépit de son appellation, il n'est pas bien meilleur que les deux autres, mais le capital de sympathie du public lui est acquis. La brute (the bad en Anglais), c'est un Lee van Cleef ("Angel Eyes") plus noir et ambigu que dans le film précédent et en particulier profondément sadique. Enfin le "truand", c'est le véritable héros du film, le truculent Eli Wallach (Tuco) qui assure souvent le spectacle à lui tout seul, et qui se trouve comme un poisson dans l'eau dans le mélange détonnant entre mythe et vulgarité qui court du début à la fin de film.

Si le film est long, il ne manque pas de moments fascinants, notamment ceux autour de la bataille idiote (Et spectaculaire, à la David Lean si on se contente d'observer les moyens mis en oeuvre) à laquelle assistent Tuco et Blondie, qui s'installent bien confortablement avant d'en prendre plein les yeux, ou encore le début étiré et énigmatique auquel Leone nous fait assister presque en contrebande, en plaçant sa caméra derrière un champ d'obstacles, et nous donne l'impression d'assister à une scène volée, interdite... Il présente ses trois héros en pleine action par des arrêts sur image, et multiplie les contrastes optiques, en jouant de l'impressionnante profondeur de champ du Techniscope. Bref, il affûte ses armes, sans doute pensait-il déjà à la suite, le merveilleux film qui allait suivre? Peut-être, mais ce voyage en absurdie au terme duquel un héros est né a été assez loin dans le baroque et, grâce à Tuco, dans l'humour irrésistible: "If you want to shoot, shoot! Don't talk!"

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Sergio Leone Western Clint Eastwood