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20 juillet 2013 6 20 /07 /juillet /2013 17:55

JFK est un film militant, qui pose la question, bien plus qu'il n'y répond, de la façon dont une conspiration a bien pu se passer autour de l'assassinat de Kennedy en novembre 1963. Aujoud'hui, on estime qu'environ 80% des Américains considèrent que le président est décédé des suites d'une association de malfaiteurs bien plus que de l'impulsion d'un tueur isolé, ce qui reste jusqu'à preuve du contraire la thèse officielle. L'absence de procès s'est évidemment justifiée par la mort du seul coupable désigné, assassiné à son tour par un patriote en colère, Jack Ruby; du reste, la commission Warren concluait en substance, Oswald n'avait-il pas été pris quasiment la main dans le sac?

 

Nous suivons, dans le film, le procureur de New Orleans, Jim Garrison (Kevin Costner), dans un premier temps réagissant à l'annonce de la mort de Kennedy, puis ouvrant une enquête de manière à déterminer quelles fréquentations Oswald a bien pu avoir durant un séjour en Louisiane précédant de peu l'assassinat; il met assez rapidement en lumière le fait que diverses personnes ont été aperçues en compagnie du tueur, dont David Ferrie, personnage louche et fort pittoresque (Joe Pesci), et le mystérieux Clay Bertrand. Les premières investigations n'aboutissent pas, et trois années passent, avant qu'un sénateur (Walter Matthau) ne convainque Garrison de se remettre sur la piste, arguant du fait que la présence d'un seul tueur, et à plus forte raison l'anecdote peu crédible d'une balle qui aurait blessé non seulement Kennedy, mais aussi le gouverneur Connally, rendait l'hypothèse de la conspiration bien plus plausible que la version officielle. Garrison repart donc sur son enquête, qui va lui faire remuer le passé, le mettant lui et sa famille en danger, et ébranlant sérieusement son patriotisme...

Avant d'en venir à l'inévitable évaluation de la véracité de l'ensemble, il convient de rappeler que ce film ne prétend pas détenir ni démontrer la vérité; le film a été tourné à une époque où tout le monde, je le disais, est persuadé qu'un complot a eu lieu, mais n'a aucun argument pour étayer cette thèse. Le propos d'Oliver Stone est donc de fournir des indices, de montrer aux gens où chercher ce qu'il estime être la vérité; il le fait à l'imitation du vrai Jim Garrison, auteur de On the trail of the assassins, le livre ainsi adapté (En même temps qu'un autre, Crossfire: the plot that killed Kennedy, de Jim Marrs), et de laisser le public reprendre le pouvoir sur un gouvernement dont Stone considère, comme son personnage tel qu'il est incarné par Kevin Costner, qu'il a menti, triché, et permis à l'armée de prendre le pouvoir durant les années 60. La thèse du film est qu'après les années innocentes de Eisenhower, les années 60 sont la période durant laquelle l'Amérique a perdu la foi et la démocratie, et l'assassinat de JFK (tout comme celui de Martin Luther King, puis de  Robert Kennedy) en serait la partie visible d'un iceberg dont le complot supposé ne serait évidemment qu'une des cachotteries...

C'est gros, bien sur, mais ce qui compte, c'est aussi bien que Garrison, comme Stone, sont parfaitement sincères. Rappel: le cinéma, comme la littérature ( La théorie fumeuse d'Emile Zola sur l'hérédité ne l'a pas empêché d'écrire des chefs d'oeuvre ) a le droit de se tromper. JFK ne cherche pas, en tant que film, à démontrer la vérité, juste à remuer les mensonges... Et ici, Stone a l'appui d'un certain nombre d'acteurs, dont Costner, mais aussi Tommy Lee Jones, Donald Sutherland, Jack Lemmon, Walter Matthau, et Sissy Spacek! On ne va pas s'en plaindre, en vérité.

Alors bien sur, le style de Stone est comme d'habitude sur la sellette: on apprécie son choix de mêler les différents types d'images dans un maelstrom, ce qui est assez naturel pour un film majoritairement tourné en écran large 35 mm, mais dont la pièce maîtresse, le fameux film d'Abraham Zapruder tourné sur les lieux de l'assassinat, et qui est montré lors du procès, est un court fragment tremblé en 8 mm; on a avec ces deux extrêmes un éventail des possibilités visuelles du film. Le début (De la 'director's cut', du moins, je ne connais pas celle sortie en salles) se joue d'ailleurs avec brio des différences en montrant un certain nombre d'événements tirés d'images d'archives, en 1:33:1, précédant l'assassinat, y mêlant des éléments de fiction tournés en 16 mm 1:33:1, et gonflés en 35 mm; Stone, dès le départ, assume donc sa réappropriation du vrai pour ce qui reste, jusqu'à preuve du contraire, un film de fiction. Il se sert dans son film de toutes les images dont les années 60 commençaient à abreuver les gens via la télévision, du reste... Mais il établit aussi l'idée d'un passage douloureux des années de l'innocence (Sous Eisenhower) vers les années 60... Cela dit, on regrette que le metteur en scène ait du début à la fin du film privilégié son style coup de poing, avec caméra sur l'épaule et images tremblées, à plus forte raison lorsque ça vient gâcher l'hallucinante composition de Joe Pesci en David Ferrie: il est bien assez agité, sans que la caméra ait à en rajouter... Mais le film est ce qu'il est: un pamphlet, dont chaque image, à tort ou à raison, crie l'indignation du metteur en scène, qui a demandé à Kevin Costner la même prise à témoin du public à la fin du film qu'il avait demandé à Val Kilmer incarnant Jim Morrison, dans la scène du film The doors où celui-ci interprète Light my fire dans une version non censurée à la télévision, ce qui est, historiquement parlant, rigoureusement faux. Mais l'adresse de Costner au public à la fin de JFK est, elle, parfaitement en situation, et justifiée totalement: Stone demande au public de ne pas s'arrêter aux apparences, et d'aller au bout de la vérité... Kennedy, qui n'est pas le héros du film, mais son 'Mac Guffin' (Non-Hitchcockiens, googlez ce mot, ce sera plus rapide qu'une explication), est aussi le symbole ultime d'un passé douloureux, comme il l'est dans le très beau roman de Stephen King 11-22-63, qui montre un homme voyager dans le passé pour essayer d'en corriger quelques drames: le symbole d'un moment particulièrement traumatique durant lequel l'Amérique serait sortie de l'enfance, au même moment où le cerveau du jeune président sortait lui aussi de son crâne...

 

Revenons-en en guise de conclusion à la thèse défendue par le film, parfois difficile à suivre en raison du nombre imposant d'informations: Oswald est présenté comme un bouc-émissaire, juste un militant indécis et bouillant, un tueur d'élite au parcours chaotique qui aurait fréquenté l'extrême droite à la Nouvele Orléans, et celle-ci se serait saisie de lui comme une aubaine; l'extrême droite (Diverses factions, dont les anti-communistes de la John Birch Society) aurait comploté pour en finir avec Kennedy, en concomittance avec l'armée et ses contracteurs, soucieux de se garder le terrain de jeux du Vietnam, une guerre dont Kennedy souhaitait la fin; la CIA, dont Clay Bertrand, alias Clay Shaw (Tommy Lee Jones) aurait fait partie, participait à la fête, dont Lyndon B. Johnson, sans prendre directement part au complot, connaissait l'existence. Il y a des approximations, mais il y a aussi un certain nombre de faits troublants, en effet: le fait que le nom de Lee Harvey Oswald ait été connu assez tôt, le 22 novembre, avant qu'il puisse être établi avec certitude qu'il était bien le suspect; la fameuse trajectoire de la balle; le manque d'enquête réelles sur la présence sur place d'un certain nombre de personnes dont on sait (comme sur le Titanic, en fait!!) exactement ce qu'elles y ont fait: par exemple, un homme vu courant dans le sens opposé de tout le monde, et un homme qui a ouvert son parapluie peu avant l'arrivée de la voiture comme pour donner un signal; le manque cruel et absurde de véritables précautions de sécurité faisant de Kennedy une cible facile, etc... reste quon ne saura peut-être jamais, ou alors en 2029, lorsque les dossiers du FBI et de la CIA seront rendues publics. Rendez-vous, donc, en 2029. En attendant, le film exprime avec souffle une nécessité de dépoussiérer un peu une histoire particulièrement trouble.

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Published by François Massarelli - dans Oliver Stone