L'improbablement célèbre André Deed, connu principalement pour son personnage grotesque de Boireau (en français) ou Cretinetti (en italien) dans des comédies de moins d'une bobine au début des années 10, est devenu réalisateurune fois l'engouement pour le cinéma burlesque primitif retombéremplavé par la vogue plus ambitieuse du long métrage en Europe. Il était, en Italie surtout, considéré comme un artiste influencé par Méliès (Avec lequel il avait travaillé) et il est très malaisé de parler de ses films car ils sont tous, ou presque tous, perdus. Ainsi, l'édition DVD de L'uomo Meccanico (1921) vient à point nommé pour tout historien, tout fan de science-fiction, ou même toute personne intéressée par le cinéma muet, même si c'est sous une forme tronquée. Une fois que le spectateur est habitué à la mauvaise qualité du transfert, et le fait que 55 minutes de travail ont maintenant disparu pour toujours, ce qui ressort, c'est la singularité du film: il commence (dans la forme actuelle) comme tout bon sérial, avec du suspense, un incendie criminel, une évasion audacieuse, des déguisements et des poursuites.
Puis nous passons à l'intrigue secondaire romantique, impliquant un Deed maladroit et plutôt consciemment laid, qui ne pourrait passer pour un Valentino, ni un Fairbanks. On nous présente le clou du spectacle, un robot (L'un des premiers, cinq ans avant Metropolis!), qui va d'aileurs occasionner un suspense pas si éloigné du jeu de Nosferatu, une menace qui avance inexorablement, invisible derrière des portes fermées qui ne l'empêcheront pas de passer quand même... et le final se situe si une telle description a un sens, dans une sorte de mélange très original des univers de Feuillade, L'Herbier et Méliès... Visuel donc.
A la fin, les héros apprennent l'identité de la méchante: elle est l'une des victimes supposées du robot, et le réalisateur nous a à deux reprises gratifié de visions très claires de son anatomie, dans la pure tradition du cinéma Italien qui rappelons-le n'était en rien frileux à ce niveau; ce courant érotique était d'ailleurs très visible sur les affiches qui ont été longtemps le seul matériau existant de ce film. 3 ans avant Aelita, 5 avant de Metropolis, le film invente à sa façon "bricolée" une science-fiction typiquement européenne et le fait avec une telle naïveté touchante que la vision de cette pièce de musée rescapée, même sur un DVD Alpha qui fait bien mal aux yeux, reste une expérience finalement agréable.