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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 10:48

La vie telle qu'elle est, voilà le slogan lancé par Feuillade pour Gaumont, qui voulait diversifier sa production, et lancer une série de films "réalistes". Il est paradoxal de constater que de cette série aux intentions véristes naitra un courant poétique fondamental du cinéma Français... Probablement à l'insu de son auteur, qui croyait sans doute dur comme fer qu'il avait peint, justement, "la vie telle qu'elle est".

 

Le trust est un des représentants de cette série, et est avec deux autres films disponible sur le coffret DVD Gaumont: le cinéma premier. Il conte une histoire qui entremêle film policier, un des premiers du genre donc, et espionnage industriel à la mode 1910... Un banquier glouton et sans scrupules s'acoquine avec un détective véreux dans le but d'assoir sa domination sur l'industrie du caoutchouc en mettant la main sur une formule de caoutchouc synthétique. Ils ne reculent devant rien: enlèvement, séquestration, intimidation, drogue, déguisement... et c'est bien là que le film prend tout son intérêt. Par certains cotés, on est, quelques années avant ces glorieux films, face à des avant-gouts de Fantômas (1913) et de ses suites, et des Vampires (1915-1916), où Feuillade travestira de façon magique les décors naturels et existants de Paris et de ses environs pour toucher à la création surréaliste avant la lettre, avec hommes et femmes masqués, poison, coups de théâtre, etc... Ici, la visite chez un concurrent va couter à Renée Carl bien des soucis: droguée, laissé inconsciente, elle ne sait pas qu'un valet a pris sa place... Un homme, enlevé de force, est amené au fin fond d'un souterrain, devant une table ou siègent trois hommes masqués, couverts par des malfrats qui pointent leur pistolet... Il ne devra son salut qu'à un stylo empli d'une encre sympathique...

Le film est bien de son époque, et le rythme bien sur s'en ressent, de plus on sait que Feuillade était friand de digressions didactiques, ainsi le coup de théâtre final est-il réexpliqué deux fois afin que le plus stupide des mal-comprenants puisse bien intégrer le principe. Mais n'oublions pas que le public de 1911 était encore peu accoutumé aux raccourcis policiers, et que tout restait à inventer. Autre signe des temps, hélas, le fait que le banquier et le détective, qui sont au-dela de toute rédemption tellement leur corruption est profonde, portent des noms qui les désignent un peu trop facilement comme Juifs, même si aucune autre allusion antisémite ne vient compléter le tableau; reste une question: Julius Kieffer et Jacob Brewick s'eppellent-ils ainsi par la volonté de Feuillade (Il était royaliste, ce qui au-delà de son génie évident, ne fait pas de lui une personne politiquement intelligente dans la France de 1911...), ou par celle de Gaumont, pas réputé pour être très progressiste en quelque domaine que ce soit? On ne saura jamais, et en faisant abstraction de cet encombrant défaut, on peut considérer Le trust comme un film important de l'oeuvre de Louis Feuillade.

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Published by François Massarelli - dans Muet Louis Feuillade 1911 *